The Sinners est un groupe fondé en 2014 en provenance du Havre, formé autour d'un trio dont les expériences individuelles antérieures de chacun tournaient autour du rock et du metal. Leur réunion a abouti à un premier EP deux titres sorti en 2016. Par la suite, le groupe enchaînant les concerts ne s'est pas reposé sur ses lauriers et a continué à peaufiner son style qui constitue un pont (pas celui de Normandie) entre la ville portuaire et les États-Unis. Outre le fait qu'un des membres de The Sinners partage une homonymie avec le batteur de Metallica, c'est plutôt vers Seattle, ville de tous les vices, qu'il faut chercher ce qui constitue les fondations du groupe.
Biberonnés au son de Alice In Chains, Nirvana ou Soundgarden, les Français se font avant tout plaisir en proposant un rock direct et sans fard en revenant à des fondamentaux que certains ont oublié à grand renfort d'effets numériques. Et si l'as de pique orne le logo, il n'est pas sans rappeler le Motörhead pas très loin non plus de ces inspirations. Ces trois musiciens impurs ne pêchent pas par orgueil mal placé ou par gourmandise en proposant des titres concis qui s'ils ont le mérite d'aller droit au but ne brillent pas par leur originalité.
Peu importe, le but n'est pas tant d'être original que de proposer une forme d'hommage à l'ensemble de ces groupes cités, comme d'emblée dans le premier morceau 'Whatever Nevermind' au riff grunge rappelant le groupe de Kurt Cobain et son chant éraillé. Si l'anglais constitue la base des textes, l'utilisation du français n'est pas pour autant un frein pour les Havrais qui dans 'Fool's Again' n'hésitent pas à proposer des couplets dans la langue de Molière et un refrain dans celle de Shakespeare, ce qui ne sonne pas mal du tout. Les guitares se font dans ce titre beaucoup plus grasses et mélodiques dans un ensemble plus rock avec une basse plutôt bien dosée.
Plus l'album avance, plus on accroche aux titres ultra énergiques qui sont plus subtils qu'il n'y paraît avec de belles saillies vigoureuses qui arrivent à surprendre, alternant passages évasifs et refrains dynamiques à faire sursauter les foules ('Crazy Man' un peu schizophrène sur les bords ou 'My Fear' avec son chorus taillé pour le live). Les soli sont plutôt courts, un peu trop d'ailleurs et auraient peut-être mérité plus de développements, laissant l'auditeur sur sa faim. Toutefois, le groupe sauve l'honneur instrumental avec un titre de clôture explosif qui justement donne aux musiciens un peu plus d'espace avec des mouvements de guitares saturées plaisants soutenus pas une rythmique martiale efficace et la voix puissante de Fabien globalement très bonne même si parfois elle montre quelques limites sans rien de très rédhibitoire. En effet, on peut dire que l'imperfection est une qualité qui reflète souvent la spontanéité.
Si The Sinners a longtemps vécu dans le calme, c'était avant que souffle cette "Perfect Storm" qui, si elle n'est pas entièrement parfaite, promet une véritable tempête rock, variée et en tout cas d'une belle authenticité. Si le groupe arrive à s'émanciper de ses belles influences et propose quelque chose de plus personnel (on le voit poindre dans 'Fool's Again'), cette tempête se transformera en cyclone pouvant tout emporter sur son passage.