Si H.G Wells a écrit "La Machine à Explorer le Temps", Vagabond Specter nous offre un retour en arrière dans les années 80 où les synthétiseurs étaient les rois. Le groupe s'inscrit dans une veine new wave - synth pop que l'on croyait enterrée depuis longtemps. Et pourtant, "Bipolar" est en passe de ressusciter l'esprit des Erasure, Yazoo en passant par Tangerine Dream..., des groupes qui ont contribué à la démocratisation des claviers avec un grain de folie qui s'est au fil des ans estompé.
La pochette de "Bipolar" accentue cette vision d'ensemble qui est confirmée par un contenu totalement débridé qui s’affranchit des codes musicaux actuels, bien établis. Les sons vintage de 'Saturdast' donnent le ton en colorant le titre d'une ambiance totalement insouciante. Il règne sur cet album quelques relents d’une pop exacerbée comme dans le refrain de 'Don't Panic' qui apporte un petit vent de fraîcheur, notamment dans la répétition du refrain en boucle jusqu'à la fin typique de ces années 80. Dans un certain sens, on pourrait voir en Vagabond Specter les héritiers des Pet Shop Boys, précurseurs dans cet électro popisant, par cette facilité à trouver la mélodie assimilable et addictive ('Not My War') mais avec une petite touche punk en plus.
Mais derrière cette apparence de décontraction se cachent quelques failles un peu plus sombres telles qu'elles peuvent se dévoiler dans 'Comme ci, Comme ça' (avec un chant plus grave et un beau solo désespéré) ou 'Evangelist' plus électrique et apparemment autobiographique. De fait, si l'auditeur gratte un peu sous cette couche désinvolte, il découvre des éléments plus profonds et plus tourmentés, comme le schizophrène 'Last Time Together', et toujours cette légère touche punk qui apporte de la densité ('Days of Devastation' accentue cette dichotomie). En fait plus l'album avance, plus il devient sombre, plus lourd, comme si on passait de l'adolescence à la vie adulte plus rude et réaliste ('Lucy Knows a Secret), voire fataliste (le sublime 'About Hope').
Au final, "Bipolar" est un album qui porte bien son nom avec une alternance d'insouciance amenée par l'électro pop joyeuse et de gravité par des apports un peu plus électroniques et un chant caméléon. Garbage ne s'est pas trompé en proposant à Vagabond Specter de faire quelques-unes de ses premières parties. "Bipolar" est bien plus subtil qu'il n'y paraît et montre qu'il ne faut pas s'arrêter au contenant qui pourrait rebuter : il offre un contenu varié entre électro pop assimilable et passages plus exigeants.