WALTER TROUT: Ordinary Madness (BLUES) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Il y a définitivement un avant et un après 2014 pour Walter Trout. Avant cette date sévissait Docteur Trout, artiste talentueux et sûr de son talent en tout point incontestable. Puis vint un grave problème de santé qui le vit regarder la grande faucheuse en face et s’en sortir grâce à une greffe du foie inespérée. Depuis, Mister Walter a pris la relève, toujours aussi talentueux mais tellement plus humain. Après un sublime et cathartique "Battle Scars", le bonhomme a enchainé les albums de haut vol et les collaborations passionnantes. Sans que l’on puisse savoir d’où il tire cette énergie, voici qu’il offre son cinquième opus en six ans avec un "Ordinary Madness" enregistré juste avant le confinement dans le studio de Robby Krieger et produit par Eric Corne.

Pour cette nouvelle offrande, et sans en faire un concept-album pour autant, il plonge à nouveau au plus profond de ses sentiments en traitant particulièrement du vieillissement et du temps qui passe. Il faut dire qu’il approche des 70 ans et que le sujet le touche de plein fouet, même si son énergie et son talent restent intacts. Que cela soit aux frontières d’un hard rock à la Deep Purple (‘Wanna Dance’), dans une ambiance southern rock avec harmonica rutilant (‘Final Curtain Call’), ou sous la forme d’une ballade bluesy et enfumée (‘The Sun Is Going Down’), le bonhomme n’a pas son pareil pour partager ses émotions et nous toucher au plus profond de notre âme. Chaque titre est enrichi de soli à vous mettre le système pileux au garde-à-vous et vous fait vaciller sur vos fondations. Le premier se tient au bord d’un précipice dans lequel il refuse de tomber avec toute l’énergie du désespoir et le dernier vous dégaine une de ces accélérations finales sous forme de jam qui vous font oublier l’âge de vos articulations.

Il serait inconvenant de ne pas citer également le crépusculaire et hypnotisant ‘Up Above The Sky’ et l’énergique ‘OK Boomer’ qui traitent du même thème avec autant de classe et de feeling. Mais Walter Trout ne s’enferme pas dans ses propres angoisses et sait varier les sujets tout en maintenant l’intensité de ses propos. Le meilleur exemple en est le déchirant ‘All Out Of Tears’ coécrit avec son amie Teeny Tucker et traitant de la perte du fils de cette dernière. Quant au captivant titre éponyme, il plonge dans de nouveaux abîmes intérieurs en rapport avec la situation sanitaire actuelle. Au milieu de tout cela, quelques pièces viennent apporter un peu de lumière apaisante, comme la délicate et fragile ballade aux accents folk ‘My Foolish Pride’, le rock-folk ‘Heartland’ aux atours dignes de Mike Tramp ou Tom Petty, la tendre et envoûtante ballade ‘Heaven In Your Eyes’ et le blues-funky ‘Make It Right’ à l’énergie communicative.

En variant les propos et les ambiances sans se laisser enfermer dans un blues à l’esprit trop étriqué, Walter Trout offre un nouveau chef d’œuvre au sein duquel la profondeur des émotions ne se fait pas aux dépends d’une énergie bienfaitrice. Après une telle démonstration d’un talent à la hauteur de son authenticité, il ne nous reste qu’à rassurer l’artiste en lui confirmant que si son âge avance, son talent ne s’en ressent aucunement. Vivement la suite !

WALTER TROUT

ORDINARY MADNESS

MASCOT LABEL GROUP

BLUES