Cinq (longues) années après 'Strinkadenn Ys', le duo breton Claude et Gérard, aidé de quelques amis et de nombreux invités, nous livre le deuxième volet des aventures d'Enora sous le nom mystérieux de 'Samsâra'.
Autant le concept de 'Strinkadenn Ys' semblait tourné vers une mythologie ancienne, autant celui de 'Samsâra' nous entraîne vers un futur onirique .... Tout commence par le réveil d'Enora aux cotés de son mari Maël et sa plongée dans ce qui n'est peut-être qu'un rêve, une histoire étrange où Thomas, le fils d'Enora, lui raconte un monde vivant sous l'emprise d'un venin de jouissance, réduisant l'humanité à une béatitude sensuelle artificielle.
Une courte introduction nommée "Encore..." donne le ton de l'album. On y entend, à la fin, sur fond de violoncelle et de trompette les tous premiers mots du célèbre discours de Martin Luther King "I have a dream ...". Cette citation se prolonge sur le deuxième titre ("Soñj") accompagnée par le piano et la flûte et nous fait entrer progressivement dans cet univers merveilleusement riche en sonorités. C'est aussi notre premier contact avec une des voix de "Samsâra", car les voix sont nombreuses sur cet album où se côtoient le breton, le français, l'anglais et les intonations orientales du merveilleux chanteur Kabyle Farid Aït Siameur.
Plus de trente musiciens ont participé à cette création et il m'est quasiment impossible de décrire avec des mots la richesse du résultat. On découvre au détour de chaque titre des sons envoûtants dus à des instruments parfois identifiables : accordéon, bombardes, flûtes, ou violons et parfois totalement inconnus : bodhran, kora, udu, zarb ou duduk. La coloration reste souvent celtique de par la présence fréquente des instruments et du chant bretons, mais les mélodies sont variées et empruntent autant au modernisme qu'au folklore. Nous avons même droit à une allusion très appuyée au "Welcome to the machine" de Pink Floyd dans "An tourioù", titre arrivant vers le milieu de l'album.
On ne peut passer sous silence la présentation de l'album, pour ne pas dire de l'oeuvre d'art, car, comme pour 'Strinkadenn Ys', Gérard Le Dortz a créé un livre magnifique. Sur 60 pages (20x20) hautes en couleurs, se mêlent les paroles trilingues des chansons, l'histoire qui leur sert de trame et des graphismes fabuleux, mélanges de photos, d'effets visuels, de montages et de peintures. La richesse visuelle rejoint ici la richesse sonore pour faire de "Samsâra" un objet vraiment à part qui ne trouvera de place satisfaisante dans votre discothèque (bibliothèque ?) qu'à coté de son prestigieux prédécesseur.
Je ne vois guère que les réfractaires aux sonorités celtiques et à toute forme de beauté pour ignorer une telle réalisation. Seven Reizh a réussi à donner une suite à 'Strinkadenn Ys' sans s'autoplagier et on ose espérer un troisième volet des aventures d'Enora avant 2011.