Si la Norvège ne constitue plus depuis longtemps l'épicentre de la chapelle black metal, dans ses entrailles prolifèrent néanmoins toujours d'excellentes créatures de la nuit. Acârash est assurément l'une d'entre elles. Formé en 2016, auteur deux ans plus tard du prometteur "In Chaos Becrowned", le trio se présente sur le papier comme l'artisan d'un black metal fissuré de plaies doomy.
Dans les faits, il y a quand même beaucoup du Satyricon époque "Now, Diabolical" dedans. Ce qui n'est pas grave mais indique que le groupe ne se distingue pas tant que cela de ses aînés. Il suffit d'écouter l'entame de "Descend To Purity" pour mesurer combien est grand le tribut qu'il doit à Frost et Satyr. Ces guitares grésillantes, ce pouls percussif, ces vocalises un peu grincheuses et ces tempos plombés sinon catchy qui donnent envie de taper du pied ne nous sont donc pas inconnus mais font toujours leur effet.
C'est donc un art noir à priori classique, tant dans la forme que dans le fond, qui étire sa brume sinistre une fois crachées les premières mesures de ce deuxième album. S'il se contentait d'arpenter le caveau glacial d'un black doom nocturne, cela suffirait déjà à notre plaisir masochiste. Car dans ce registre morbide, qui serpente dans la terre froide d'une forêt aux cimes lugubres, Acârash se montre souvent impérial ('Goat, Skull, Ritual Circle'). La défloration attentive de "Descend To Purity" dévoile néanmoins un opus plus sournois qu'il n'y paraît car il fourmille de détails qui viennent perturber l'image que nous nous en faisions de prime abord.
Arborant certes des courbes accrocheuses, témoin ce 'Satanic Obsession' que Satyricon n'aurait à nouveau pas renié, l'œuvre n'en est pas moins rongée de l'intérieur par un suc typiquement hard rock, à l'image du rampant 'Red Stone Betrayal' que sabre un solo ravageur de Lukas Paulsen dont on n'oublie pas qu'il bétonne également du stoner au sein de Lonely Kamel. Plus heavy que black, 'Steel Hunter' nous rappelle à son tour que Acârash se veut avant tout le mode d'expression de musiciens extérieurs au landerneau diabolique. La façon dont claque la quatre-cordes ('Desecrate, Liberate', victime lui aussi des morsures rock'n'roll du guitariste) et ce goût pour les lignes tordues ('Below Ceremonial' ou 'Three Knives Cold' et leurs reliefs sinueux aux multiples crevasses) le confirment.
Avec "Descend To Purity", le trio norvégien ne transforme pas seulement l'essai, il affirme son appétence pour un black metal granitique, néanmoins perméable à un groove hérité du hard rock, sans rien sacrifier ni en atmosphères gelées ni en dimension occulte. Ce faisant, Acârash valide les promesses suscitées par son premier méfait et s'impose parmi les derniers rejetons les plus intéressants issus de ce foyer historique de l'art noir.