La Norvège n'a jamais été une terre particulièrement fertile en matière de doom, quel que soit le visage que le genre choisit de façonner (sludge, post metal, doom death etc...). Ce pays possède pourtant tout l'attirail nécessaire, climatique ou géographique, propice à l'émergence d'un culte dédié au sacro saint riff et à la déesse de la douleur.
Basé à Oslo, Dwaal compte parmi ces prêtres qui préfèrent sculpter les fjords au burin plutôt que de brûler des églises et prendre la pose en se gelant l'entre-jambe, paumés au milieu d'une forêt hivernale. Le groupe voit la nuit en 2014. Une démo et un EP ("Darben") plus tard et voilà enfin le temps du premier album. Et aussi celui d'un changement de personnel, que scelle l'arrivée de la claviériste Siri Vestby et d'un nouvel ours mal léché en guise de chanteur, Bjørnar Kristiansen. Leur apport respectif n'a d'ailleurs rien d'anodin. La première étend une couche hantée lointainement progressive et perce l'ensemble des bribes sonores étranges. Quant au second, par son grain rugueux, presque âpre, il embarque la musique du sextet dans un abîme caverneux, qui n'est pas alors sans invoquer les travaux du Suédois Runemagick ('The Whispering Ones').
Si les guitares, épaisses comme une coulée de lave, prennent plus que leur part dans cette descente à la mine, elles arriment le tout au post metal où elles puisent cette poussée atmosphérique. Taillé dans la roche granitique de la terre qui l'a vu naître, Dwaal noue finalement plus de lien avec le sludge mâtiné de doom death de son voisin (Ocean Chief, Switchblade) qu'avec la scène norvégienne, comme l'illustre un pavé tel que le bien nommé 'Descent'. Plus de 16 minutes au garrot qui dégueulent de six-cordes rongées par la rouille, véritable déréliction aux allures de plaques tectoniques qui se chevauchent.
Il y a d'ailleurs dans ce matériau pétrifié, prisonnier d'une gangue à la fois sinistre et dramatique, quelque chose qui tient de la géologie, de la géographie physique tant il évoque des montagnes massives, des gouffres vertigineux, des reliefs en formation. C'est un temps long, quasi immobile. Si l'entame baptisée 'Ascent' suggère une élévation, 'Gospel Of The Vile' se rapproche davantage de l'excavation même s'il remonte par moments à la surface pour avaler une pâle lumière ou une fugace lampée d'air frais. Cette composition fleuve qui donne son titre à l'album synthétise cet art aux allures de bloc de matière brute, monolithe minéral secoué d'influences death et post hardcore façon Neurosis, Cult Of Luna et consorts.
Dwaal n'invente peut-être rien mais l'amateur de bûches ne pourra que tendre l'autre joue face à ce "Gospel Of The Vile" puissamment râblé, et entamer un chemin de croix le long de ces paysages lourds et escarpés que les Norvégiens pétrissent.