"1968" était assurément une année de transition. En musique, c’était bien sûr la golden era du rock, avec la formation de certains groupes mythiques comme Black Sabbath, Deep Purple, Iron Maiden ou encore Led Zeppelin. Sur le plan politique, en France, on se rappelle bien sûr du mouvement social étudiant, mais cette année-là, c'est le monde tout entier qui entre en mutation. Contestation du communisme soviétique dans les pays de l’Est, opposition à la guerre du Vietnam en Europe et aux Etats-Unis… Le début d’une nouvelle ère, en somme.
Flying Circus, groupe de rock progressif allemand originaire de Grevenbroich, a fait de cette année particulière son sujet de prédilection le temps d’un album, le sixième de sa discographie.
En jetant un œil à la set-list, on croirait lire le casting de La Casa de Papel, mais non, Flying Circus a bien choisi de donner des noms de grandes villes à tous ses titres, sauf à ‘The Hope We Had (In 1968)’ et sa courte reprise en dernière piste. L’album revisite donc les événements survenus cette année-là par liste chronologique à travers différentes villes du monde comme Paris, New-York ou encore Berlin.
Et qui de mieux pour parler d’un tel sujet que des musiciens ayant vécu ces années-là ? Car si le nom de Flying Circus ne vous dit peut-être rien, le groupe fête pourtant ses 30 ans en 2020 ! Pour ceux qui comme moi n’auraient jamais écouté leurs opus, le moins que l’on puisse dire est que la formation porte bien son nom. Il faut dire que les morceaux sont souvent enthousiastes et débridés, à l’instar de cette pochette très colorée aux tons psychédéliques.
Musicalement, la palette de sons du quintette germanique est elle aussi très riche. ‘New York’, typée blues rock, distille des influences hard rock et rock progressif. Il y a du Rush dans le chant, du Deep Purple dans les guitares, du Kansas dans les structures. La musique du groupe est souvent dynamique, comme sur le court intermède ‘Derry’, son violon tzigane et son côté celtique sur fond de guitare acoustique, et comme sur ‘The Hopes We Had’ et sa guitare funky, ce qui n’empêche pas la formation de faire ressortir quelques influences plus psychédéliques, comme lors du gros clin d’œil à ‘Breathe’ de Pink Floyd.
Mais dans ces ambiances très gaies, on retrouve aussi quelques titres plus en retrait et plus mystérieux. C’est le cas de ‘Prague’, relativement intimiste mais lui aussi très intéressant. Il y aussi le milieu de ‘Berlin’, sorti de nulle part et très intrigant, dans un registre dramatique, avec son piano seul instaurant une forme de tension aux antipodes du reste de l’album.
On regrette tout de même que certains morceaux ne procurent pas la même sensation que les titres précédemment nommés. Dans le genre, ‘Paris’ débute bien avant de s’ensevelir dans une fin très dissonante et désagréable, au résultat assez apocalyptique. ‘My Lai’, plus expérimental et moins concis semble chercher sa voie au point de manquer de cohérence et de réelle accroche. ‘Memphis’, avec son ambiance plus posée façon trip-hop ne convainc pas non plus comme les titres précédents malgré de bonnes idées.
"1968" est un disque intéressant et très diversifié qui réussit tout de même à rendre un bel hommage à la musique de ces années-là. Mais avec des compositions un plus équilibrées dans l’ensemble, l’opus gagnerait en cohérence et convaincrait davantage.