Henning Pauly est un drôle de musicien, dont la versatilité ne laisse pas de m'étonner. Du metal (progressif ou pas) à l'AOR en passant par le classique et le jazz, voire même un poil de country, son spectre musical donne le vertige.
Le projet "Babysteps" avait été annoncé depuis plus de deux ans comme un double album concept, dont la couleur serait une sorte de "comédie musicale metal", comme a su le faire Trans Siberian Orchestra (une chronique sur MW). La référence au groupe parallèle de certains membres de Savatage est avérée, malgré une personnalité propre et pas mal de différences.
Le multi-instrumentiste a dû revoir ses prétentions à la baisse, ce qui ne signifie pas pour autant que "Babysteps" soit un album bâclé. En 75 minutes et 15 titres, dont 5 instrumentaux qui servent de fil conducteur (les "café" n°1 à 5), Pauly délivre une fusion progmetal/AOR qui ne choquera pas ceux qui ont apprécié Chain et le premier Frameshift.
Par rapport à TSO, il y a en fait beaucoup de différences : pas de chants de Noël (!), des influences classiques moins évidentes (encore qu'il y ait des orchestrations et beaucoup de piano), un côté metal et une complexité quand même plus prononcés. Et puis il y a moins de chanteurs - et pas de chorale, hélas. Par contre, on retrouve Jody Asworth, le chanteur à la voix de basse plutôt rugueuse qui a chanté sur plusieurs albums de TSO (et qui pourra rappeler Ashley Holt du Rick Wakeman English Rock Ensemble). Parmi les autres chanteurs, on retrouve du beau linge : James LaBrie et Michael Sadler (plus rare), ainsi que Matt Cash de Chain.
La dualité entre guitares lourdes et orchestrations, entre passages très calmes où dominent le piano où la guitare acoustique et sections plus "braillardes", et puis les dialogues entre chanteurs, tout ceci, par contre, est plutôt dans le même esprit que le projet TSO.
Le concept : un grand sportif paralysé des jambes à la suite d'un accident (Nick – Jody Asworth) traîne son désespoir en chaise roulante dans un hopital, peu encouragé par un médecin assez dur (Dr Raspell - James LaBrie), hôpital où il fait la connaissance d'un autre malade (Matt – Matt Cash), violoncelliste de son état et en train de se remettre d'un grave accident de voiture, lequel va lui redonner confiance, avec l'aide de son propre médecin, aussi concerné par le traitement du moral que par celui du physique (Dr Sizzla - Sadler).
Pauly lui-même prend en charge toute l'instrumentation et, même si la batterie n'est pas réelle mais virtuelle, comme sur les autres albums de Frameshift et Chain (les musiciens cités n'y jouent pas vraiment !), son réalisme (aussi bien au niveau des sons, très organiques, que du jeu) est particulièrement bluffant ! Côté guitares, il nous réserve quelques belles parties solistes très mélodiques et le piano et les orchestrations de synthés sont assez convaincantes.
En fait, mis à part les deux premiers morceaux chantés qui contiennent des sections très saccadées et aggressives, il y a beaucoup de mélodies accessibles, un certain lyrisme que l'on retrouve aussi sur les 5 instrumentaux plus calmes. Et quand Pauly décide de pondre un morceau épique de près de 10 minutes, comme très souvent chez lui, c'est une brillante réussite ("A place in time", avec la participation de Michael Sadler et de Ian Crichton).
Evidemment, Jody Ashworth, dont la voix est relativement rauque, ne fera pas l'unanimité. Mais avec l'apport non négligeable des excellents LaBrie et Sadler, sans parler de Matt Cash (lui aussi parfois un peu éraillé mais aussi plus doux selon les morceaux), l'ensemble reste relativement équilibré avec parfois des contrastes surprenants dans les morceaux (on peut passer d'une section heavy metal hachée à un passage calme et plutôt acoustique !).
Ah, pour ceux qui s'en inquiéteraient, les parties instrumentales ne manquent pas (sans parler des cinq instrumentaux), même si le chant domine et, outre les soli de guitare bien mélodiques de Pauly lui-même, Ian Crichton et Jim Gilmour de Saga ajoutent leur petite touche personnelle chacun sur un titre. On a également un certain Marcus Geminder au piano sur trois morceaux.
Album un peu hybride (l'opposition de parties très mélodiques et d'autres nettement plus agressives est parfois dérangeante) et décidément inhabituel, "Babysteps", même s'il laisse percevoir les influences de Dream Theater et Trans Siberian Orchestra, est une œuvre originale, dont on se demande ce qu'elle aurait pu donner si Henning Pauly avait eu les moyens suffisants et la possiblité d'avoir tous les invités envisagés sur ce projet. Cela reste néanmois un album tout à fait digne d'intérêt et dont il ressort plusieurs excellents morceaux.