Marylin Manson est un nouvel artiste, plus blues, plus rock, plus authentique, toujours aussi exubérant qui désormais puise sa force dans sa douleur. Il est également très productif puisque "We Are Chaos" est le troisième album de l'excentrique Américain en seulement 5 ans.
La pochette de l'objet, son titre et l'introduction inquiétante de 'Red, Black and Blue" sont faits pour avertir l'auditeur qu'il s'apprête à pénétrer un monde dur, sombre et froid. Le rythme entrainant et le chant rageur de Manson confirment cette impression. Les phrasés des refrains sont dans la même veine que sur les deux albums précédents dont le chanteur reprend les codes principaux, affirmant son nouveau style en évoluant subtilement.
Parmi les nouveautés, l'aspect pop 80's qui émaille l'album souligne le chemin parcouru et fait penser alternativement à David Bowie (auquel Manson voue un culte certain) sur 'We are Chaos', Peter Gabriel sur le langoureux et magnifique 'Paint You With My Love', ou la New Wave de la même période avec la mélodie feutrée ou le son vintage de 'Don't Chase The Dead'.
L'autre évolution notable se fait au niveau de la voix. Là où le rockeur sataniste avait lissé son chant au profit d'une interprétation blues rocailleuse sur les deux précédentes sorties, il fait preuve aujourd'hui d'une diversité bien plus marquée. À partir du bien nommé 'Half-way and One Step Forward" , il s'autorise volontiers un chant hurlé caractéristique comme sur le très indus 'Infinite Darkness', ou une ambiance plus feutrée et intimiste sur l'excellent 'Solve Coagula'. Il se fait également hard rockeur sur les punchys 'Keep My Head Together' et 'Perfume' flirtant parfois avec les tonalités d'Axel Rose sous prozac.
La production de ce "We are Chaos" est assez homogène et pas aussi typée "sudiste" que la présence de Shooter Jennings aux manettes aurait pu le laisser penser. Un effort particulier a été fourni sur les arrangements millimétrés et sur la section rythmique très présente apportant un plaisant équilibre à l'ensemble. Seule la guitare de Paul Wiley, nouveau guitariste en lice, est un peu en retrait, ses riffs puissants restant les seuls faits d'arme à mettre à son actif.
Les fans du nouveau Manson ne seront pas déçus par cette nouvelle livrée. Elle combine habilement les recettes du fantasque androgyne gothique avec l'héritage de sa longue carrière. Variété, finesse, rage, science du son, songwriting, profondeur et mélodie, tout est intelligemment présent dans ce "We Are Chaos" qui transpire le talent d'un artiste à la maturité artistique accomplie et cultivant sa différence : "I'm not special, I'm just broken and don't wanna be fixed" (Solve Coagula).