Depuis une dizaine d'années, Trank roule sa bosse à travers toute l'Europe. Le groupe franco-suisse a même réussi à taper dans les oreilles d'autres mastodontes comme Deep Purple, Anthrax, Disturbed ou Papa Roach. Si ce patriarcat est flatteur, il peut à la longue s'avérer fatal et en cas de faux pas, cruellement éteindre ce qui n'aura été qu'un feu de paille. Heureusement nous n'en sommes pas là et Trank s'est concentré sur ce qu'il sait faire de mieux en nous proposant son deuxième album, ''The Ropes''.
L'album débute avec un 'Shining' étouffant mais efficace avec son refrain fédérateur. C'est comme si le groupe nous glissait sa carte de visite comme pour mieux nous faire comprendre à quelle sauce nous serions mangés. Une première écoute distraite pourrait laisser supposer que le groupe a voulu faire parler la poudre au détriment de toute émotion. Mais Trank a réussi à insuffler à son premier protégé une respiration. Plongés dans une eau noire, nous voyons à travers les remugles une force lumineuse. Cela pourrait expliquer le patronyme du groupe aux confins des genres musicaux : puissant rageur et axé metal (le tank) mais en même temps brûle une flamme intime (la transe) que l'on pourrait retrouver dans la cold wave ou le rock gothique.
Peu ou prou, Trank ne va pas dévier de cette trajectoire, faisant parfois regretter un petit manque de surprise, certaines pistes donnant le sentiment de doublon. L'intrépide auditeur en quête de sensations n'en sera pourtant pas dépourvu. 'The Road' est un voyage au-dessus des étendues ténébreuses : 'The Ropes' se drape d'une couleur progressive, 'Forever And A Day' met de côté sa rage pour se concentrer sur l'atmosphère de regret qui en découle (ou peut-être pour nous préparer aux flammes de 'In Troubled Times'). Michel André Jouveaux est le porte-parole de notre enfer intime. Sa voix épouse la dualité de la musique du groupe. Pétrie de rage, au son du cri final de 'Take The Money And Run', elle sait aussi se faire mélancolique comme sur 'Undress To Kill', teinté d'un fort esprit nostalgique. L'album s'achève en apothéose avec l'instrumental 'Refugee'. Ne serait-ce pas un indice pour nous révéler la nouvelle forme de Trank : du metal atmosphérique ?
Trank n'a peut-être pas réalisé l'album de l'année, la faute en est à sa formule parfois prévisible. Mais l'écoute - voire les écoutes - de ''The Ropes'' est hautement conseillée à l'auditeur ouvert qui aurait envie de traverser le portail de la mélancolie et des ténèbres. De nature schizophrène, la musique de Trank est la bande-son parfaite d'une descente aux enfers.