THE DAMNED: The Rockfield Files (ROCK) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Dave Vanian, le plus célèbre des chanteurs-vampires, nous confiait récemment que lors de l'enregistrement d' ''Evil Spirits'', les Damned n'avaient pu bénéficier de temps de studio supplémentaire pour faire du zèle. La rumeur de morceaux inédits se lisait sur les lèvres des fans endurcis. Lorsque soudain l'annonce d'un nouvel EP a surgi, cette part maudite abandonnée à son sort dans les limbes allait-elle faire surface ?

''Rockfield Files'', nouvel EP et deuxième production des Damned après dix ans de silence glacé, est assez évocateur. Au printemps 1980, les Anglais prenaient résidence aux studios Rockfield de Monmouth au Pays de Galles pour graver leur ''Black Album'' (Alain Bashung pour sa ''Pizza'' en 1981 et plus récemment Opeth en 2016 pour ''Sorceress'' y feront séjour). Deux ans plus tard, le très sous-estimé ''Strawberries'' sera enveloppé de cellophane galloise avant que le groupe ne prenne ses aises en Europe et surtout aux USA. Un retour aux sources qui évoque les heures de gloire des Britanniques.

Après une introduction champêtre plutôt étonnante, 'Keep 'Em Alive' démarre en fanfare dans un esprit proche d' "Evil Spirits". Les Damned ont toujours un esprit punk dans un corps pop-rock. Le morceau entraînant et évocateur remporte l'adhésion grâce à son refrain certes rachitique mais percutant, avec la basse ronronnante de Paul Gray, la guitare endiablée de Captain Sensible et la voix toujours aussi magnétique de Dave Vanian. Le morceau se termine même en apothéose lumineuse. Tout comme l'avait fait Blondie sur son album ''Pollinator'', les Damned se font la voix d'un message écologique sur la survie des abeilles.

Les Damned ont toujours bien démarré leurs albums mais la suite n'a rien à envier à cette première attention. Si on a souvent signalé l'esthétique de tarte à la crème dynamitée des Anglais, on a souvent minimisé leur esprit mélodique aigu, et ce dès leur premier album (à ce titre 'Black Is The Night' se permet même quelques errances au piano lors d'un pont instrumental). Si le line-up n'a pas toujours été stable, le combo qui officie sur cet EP, composé de membres actuels et d'anciens membres, respecte le cahier des charges. La batterie survoltée de Pinch (il aurait à nouveau quitté le groupe après l'enregistrement de cet album) apporte un rythme trépidant. Captain Sensible est toujours sur la corde raide, n'hésitant plus à y aller de son solo ('The Spider And The Fly') et apportant cette touche crépusculaire ('Black Is The Night'). La basse squelettique de Paul Gray forme l'ossature des morceaux et lui apporte une dose de fatalité. Plutôt qu'anxiogène, les orgues et claviers se font parfois ironiques ('Manipulator', 'Keep 'Em Alive'). Quant au maître de cérémonie, il a sorti sa cape des grandes nuits. Sa voix se joue de tous les tons : hargneuse ('Manipulator'), caressante ('The Spider And The Fly'), capable d'offrir des refrains contagieusement mémorisables.

La rage et l'excentricité créatrice des Damned ne s'est nullement tarie après ce retour aux sources Rockfield. Les quatre titres offrent également un billet d'entrée dans l'univers déjanté d'un groupe qu'on ne cesse de redécouvrir après chaque effort discographique. Il est dommage que les Damned aient encore eu un accès limité aux studios tant ces ''Rockfield Files'' auraient mérité un traitement plus élargi car l'auditeur risque de rester sur sa faim... Mais chez les Damned, les rôles de la proie et du chasseur sont toujours bien répartis.

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