CRIPPLED BLACK PHOENIX: Ellengæst (POST ROCK) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Après deux albums presque parfaits en début de carrière, le Crippled Black Phœnix de Justin Greaves est devenu clivant et oppose la fan base post rock des débuts à ceux qui apprécient le virage dark, voire post-black, des derniers albums. Est-ce qu'en installant un line-up restreint et enfin un peu stable, ce "Ellengæst" peut mettre tout le monde d'accord cet automne ?

Ce line-up comprend Andy Taylor à la guitare, qui s'impose comme un des piliers du son de CBP, Helen Stanley aux claviers et au chant, et Belinda Kordic au chant. Mais Greaves n'en finit pas pour autant avec les guests et se paye une flopée de chanteurs qui vont apporter chacun leur sensibilité à l'album. Ainsi, Vincent Cavanagh (Anathema) apporte sa mélancolie au sublime 'House Of Fools' qui ouvre l'album par des arrangements progressifs et des mélodies floydiennes en entame et de post-rock moderne rappelant le travail des Polonais de Votum en conclusion. Cavanagh prête également main forte à Belinda Kordic sur l'intriguant 'Lost' au message pessimiste sur fond de pop lancinante et au clip réaliste et perturbant, " ... nous sommes perdus en tant qu'humains ...".

Belinda Kordic est une nouvelle fois bien accompagnée sur 'In The Night' par Gaahl (ex-Gorgoroth). Le Norvégien y délivre une partition intimiste et froide en crooner mélancolique, Kordic y est touchante de sensibilité et Andy Taylor plante un solo plaintif magnifique avant le final dramatique qui est d'une beauté froide à vous dresser les poils. Johnathan Hultén (Tribulation) apparaît sur l'éthéré et ambient, mais bien trop long, 'The Invisible Past', et Ryan Patterson, habituel bassiste de scène de CBP, prend le micro sur un 'Cry Of Love' dans une veine plus pop à la rythmique entrainante et à l'intensité poignante.

Malgré toutes ces excellentes performances vocales, c'est la prestation de Belinda Kordic qui est la véritable force de cet album. Elle apporte une mélancolique sensibilité à fleur de peau qui contribue à la réussite de l'album tout entier, et la sublime noirceur de 'Everthing I Say' en est l'expression criante. Il reste malgré tout des défauts récurrents que Greaves a du mal à gommer, comme l'ajout de passages narratifs et de samples réguliers presque tous inutiles et parasites, une difficulté à maintenir un niveau constant d'intensité dans l'écriture qui plombe la fin de l'album, ou une production trop lourde qui empêche certains titres de donner la plénitude de leur potentiel émotionnel.

"Ellengæst" s'inscrit dans la lignée de "Great Escape" en 2018 : avec une écriture passionnante, il propose quelques titres exceptionnels d'intensité. Malgré quelques défauts récurrents, Crippled Black Phœnix continue d'explorer un pan du post rock progressif le plus sombre dont il est l'un des protagonistes les plus inventifs. Ainsi, l'album s'adresse à ces amateurs ainsi qu'à tous les fans du groupe qui pourraient en effet se retrouver tous sous la bannière d'un line-up plus concis et plus impliqué. Il ne manquera pas de susciter également l'intérêt de tous les amateurs de metal atmosphérique que les guests auront su attirer. Un album brillant qui, sans une baisse d'intensité au deux tiers, aurait pu briguer des lauriers encore plus flatteurs.

CRIPPLED BLACK PHOENIX

ELLENGÆST

SEASON OF MIST

POST ROCK