Cindy Blackman Santana a dû trimer encore plus que les autres pour se faire une place dans le petit monde des batteurs. En tant que femme afro-américaine, rien n’était gagné d’avance pour elle. Mais son travail, son talent et sa persévérance ont fini par faire sauter les résistances. Dans le monde du jazz d’abord, puis dans le rock où elle s’est fait connaître en accompagnant Lenny Kravitz, et bien sûr son époux Carlos Santana, qui d’ailleurs la demanda en mariage sur scène (la classe !). Hélas, être douée à la batterie n’implique pas de l’être pour composer de la musique. C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’écoute (souvent éprouvante) de "Give The Drummer Some".
Cet album se range dans la catégorie des disques énervants, par sa durée (17 morceaux), par son manque de cohérence et par son incapacité manifeste à proposer des titres à peu près structurés. Disons que "Give The Drummer Some" ressemble moins à un véritable album qu’à une playlist des influences de Cindy Blackman Santana. Et qui dit playlist dit patchwork, et qui dit patchwork dit assemblage approximatif de motifs musicaux tellement différents que le tout n’a en définitive ni queue ni tête.
Entre jazz, rock et funk, l’Américaine ne sait pas vraiment à quel saint se vouer, et très franchement, nous non plus. D’autant moins que, mis à part quelques titres où officient le grand John McLaughlin à la guitare (le jazz rock ‘We Came To Play’ et le très funk ‘Superbad’) ou l’excellent Bill Ortiz à la trompette (‘Miles Away’, bref hommage à Miles Davis), le niveau des compositions est la plupart du temps d’une pauvreté désespérante. Les titres funk s’étirent en longueur et ressemblent plus à des jam sessions qu’à des compositions réellement construites (‘Fun Party Splash’, ‘Social Justice’, ‘She’s Got It Going On’). Et il n’y a guère qu’avec les morceaux réellement jazz que "Give The Drummer Some" trouve un semblant d’intérêt, notamment ‘Velocity’ et son beau challenge rythmique et ‘Everybody’s Dancin’ dont l’ambiance soul jazz renvoie joliment aux années 70.
Reste le cas Carlos Santana. Pour paraphraser une expression devenue célèbre, le problème de Cindy, c’est aussi son conjoint. Même si le guitariste fait référence dans le monde de la guitare, il n’en demeure pas moins qu’il a toujours été un tantinet surestimé. Ceux qui n’en sont pas convaincus pourront écouter attentivement ‘You Don’t Wanna Break My Heart’, ‘Dance Party’, ‘Twilight Mask’ ou encore la reprise jazz rock sans intérêt du ‘Imagine’ de John Lennon, et constater la manière incomparable dont Carlos joue des phrases musicales sans saveur dans le seul but de remplir l’espace sonore.
Trop long, trop souvent insipide et trop rarement inspiré, "Give The Drummer Some" est un album à oublier bien vite, tant il ne rend pas justice au talent de Cindy Blackman Santana.