Dans la vie il y a des groupes qui se font connaitre en sortant un EP de 3-4 voire 5 titres et il y en a d'autres qui sortent d'emblée un album de plus de 20 titres. A croire que dans l'industrie musicale, il n'y a pas de juste milieu. Crawford, groupe limougeaud, se situe dans la deuxième catégorie. Et de juste milieu, il n'y en a pas pour lui, il se fiche de rentrer dans les cases. Pour preuve la façon dont est architecturé l'album, pour moitié metal fusion (nu metal, hardcore, rapcore parfois) et l'autre hip hop essentiellement, chaque titre bénéficiant ainsi de deux versions. Le groupe ne fait aucun compromis jusque dans l'affirmation de créer un nouveau genre : le cindycore.
Sous ce nom bizarre se cache un amalgame de plusieurs styles oscillant entre nu metal, rock, rapcore et autres musiques extrêmes. Cette ambivalence donne aux titres typiquement rap un autre regard en leur apportant une couleur plus violente, plus urgente, revendicative. Sous ce prisme certains gagnent en hargne comme 'Rien de Grave' qui prend un tout autre sens avec ses accélérations tranchantes, ses hurlements et sa fin presque épique.
Au niveau des thèmes, le groupe parle de sujets sérieux sous forme de coup de boutoir "in your face" qui peuvent s'incarner dans le rap, style qui a eu tendance à prendre le relais d'un rock qui s'est souvent embourgeoisé. 'Deus Ex', 'PTP2C', 'Rien De Grave', 'Petite Fleur' sont ainsi des compositions fortes évoquant l'enfermement, les inégalités qui se creusent. Des sujets qui sous la forme du rap sont parfois l'illustration d'un constat terriblement froid mais paraissent paradoxalement en même temps émouvants ('PTP2C'), pouvant sous la forme du cindycore prendre un autre sens beaucoup plus puissant et rude ('PTP2C'). Mais loin de s'enfermer dans ce regard réaliste, Crawford sait lâcher du lest en évoquant des thématiques plus légères et festives ('Summer Trip', 'La Hollande Classique', 'Maliboule Beach', 'Les Streumons du Placard'), ce qui permet d'apporter quelques respirations et témoigne de l'esprit de groupe et de l'amitié qui règne autour du combo (les nombreux featuring) ainsi qu'entre les membres. Cette variation permet de pouvoir appréhender ces 23 titres qui visent l'efficacité, ne dépassant quasiment jamais les quatre minutes.
Si finalement, le groupe al n'innove pas (Smash Hit Combo étant passé par là au préalable...), il a le mérite de dépoussiérer un genre un peu laissé à l'abandon (quelques groupes l'explorent encore, comme Wild Mighty Freaks). Surtout, l'exercice de style proposé s'avère être une réussite car l'ambivalence et la différence de ressenti est bien présente grâce à une belle qualité d'écriture et d'interprétation quasi sans faille. Nul doute que "Cindycore Propaganda" va vous guérir de tout virus mainstream par sa conception sans compromis entre metal fusion et hip hop.