Par l'entremise de la Pologne, l'Europe de l'Est s'est révélée comme une terre fertile en formations néo-progressives depuis la fin du siècle précédent. Se limiter à cette seule référence géographique serait cependant très réducteur pour cette partie du continent, et les Praguois de Different Light nous le confirment avec la publication du premier opus du diptyque "Binary Suns", composé de six plages pour une durée de 56 minutes.
Pour ce qui est son quatrième album, le groupe mené par Trevor Tabone, seul rescapé de la formation initiale du groupe en 1994, avant un hiatus d'une décennie et une reformation en 2008, nous propose une véritable sucrerie progressive, faisant preuve d'un sens mélodique presqu'écoeurant tant les multiples thèmes développés tout au long de titres épics (les 21 minutes de 'Spectres and Permanent Apparitions') ou de simples single ('Faith') semblent couler de source. Le piano est omniprésent et immédiatement les noms de Supertramp, ou plus largement No Name/The No Name Experience résonnent aux oreilles de l'auditeur avec un propos passant fréquemment d'un rock néo-progressif classieux à ce que les Américains nous présentent comme de l'art-rock. Des constructions marillionesques s'invitent également au festin, et le tout est soutenu par des arrangements chatoyants, flirtant au moins dans l'esprit si ce n'est dans la forme avec un symphonisme de bon aloi.
Et s'il ne fallait qu'une plage pour résumer tout le potentiel de ce groupe, alors le conclusif 'On the Bordeline' pourrait servir de mètre-étalon tant Different Light y déploie toutes les facettes de son talent. L'entame instrumentale est splendide, tandis qu'un exceptionnel chorus piano/guitare/basse effectue ensuite une transition entre deux passages vocaux et, cerise sur le gâteau, des enchaînements d'accords mineurs/majeurs viennent coller des frissons dans le creux de l'échine, ébahie devant tant de beauté. Pendragon, Sean Filkins ou Lee Abraham sont les connexions que l'on peut retrouver tout au long de ces 10 dernières minutes de bonheur auditif, qui appellent une suite que l'on souhaite tout aussi enchanteresse.
Si les amateurs de progressif torturé ne trouveront vraisemblablement pas leur bonheur par ici, ceux pour qui la mélodie reste avant toute chose à la base d'une musique aussi sophistiquée soit-elle se délecteront de cette galette, et iront très certainement explorer le reste de la discographie de Different Light, tout aussi prometteuse.