L'explosion de la première mouture de Karnataka au milieu de la décennie 2000 a donné naissance à deux groupes évoluant peu ou prou dans les mêmes eaux musicales, avec d'un côté The Reasoning pour Rachel Jones, et Panic Room pour le reste de la troupe (hormis le patron Ian Jones), dont Jonathan Edwards.
Après la fin du premier cité et la mise en sommeil du second, Rachel Jones et Jonathan Edwards se sont enfin retrouvés au sein d'une nouvelle formation intitulée Three Colours Dark, publiant en cette année 2020 un premier album dont le sujet évoque le narcissisme et ses abus dans le cadre de la sphère privée , sujet à la fois autobiographique pour Rachel Cohen mais également objet abordé dans le cadre de ses recherches universitaires. L'écriture de cet album s'est révélée pour elle comme une sorte de catharsis, allant bien au-delà du simple plaisir de retrouver son "vieux" compagnon musical.
Musicalement, les 10 titres proposés par le trio accompagné par Tim Hammil ainsi que quelques invités judicieusement choisis se rapprochent inévitablement de leurs expériences précédentes, et plus particulièrement de la première mouture de Karnataka. Dans un registre majoritairement mid-tempo, la voix chaude de Rachel Cohen vient se poser sur les orchestrations luxuriantes proposées par Jonathan Edwards, que ce soit avec une multiplication de claviers symphoniques ('Wonderland') ou dans des univers un peu plus dépouillés pour des titres piano/voix ('Know You Now') ou Fender Rhodes/voix ('Ghosts in the Wind') rappelant le projet Luna Rossa mené avec Anne-Marie Helder.
Une nouvelle fois, les aspects mélodiques sont au centre de toutes les attentions, ceux-ci étant mis d'autant plus en valeur par l'intervention du violon ('Enter Soubrette') ou de la trompette pour le bluesy 'Know you Now' et son ambiance club de jazz. Le groupe sait également coller au sujet douloureux de l'album, et lorsque celui-ci atteint son paroxysme dramatique, la musique se met au diapason pour nous produire un 'Monster' tout en tension dont l'intensité croît au fil des mesures, avant que la délivrance ne vienne avec le titre éponyme en conclusion de la galette.
D'aucuns reprocheront peut-être le côté parfois systématique des différents titres, ou le manque de nuances dans l'interprétation vocale de Rachel Cohen, mais ces quelques accrocs sont peu de choses en regard de la qualité globale de l'ensemble, 51 minutes qui s'écoulent comme un fleuve tranquille ne demandant qu'à revenir à sa source pour mieux profiter de son lit. Souhaitons juste que le duo n'attende pas 16 nouvelles longues années pour nous proposer une suite.