Rest In Gale est un néophyte de la scène rock française. Ce jeune groupe banlieusard formé du côté de Romainville a précédemment commis un EP, ''God Bless Jacob Delafon'', un titre délirant qui pourtant ne pouvait pas laisser indifférent. Reparti à la chasse, Rest In Gale publie son premier album ''Tombola'', un titre cette fois-ci en forme de défi.
Dès le titre éponyme, l'auditeur comprend qu'il a entre les oreilles un Objet Sonore Non Identifié, le morceau prenant forme sur un mode lugubre au son d'une voix implacable et incroyablement chaude et de chœurs féminins semblant hantés. Si la base est résolument rock, le groupe pioche des influences à tous les vents, blues, musiques de films, musique folk voire chanson française (mais chantée en anglais). Chaque instrument est à sa place et participe à ce chaos savamment organisé. Si le rôle du saxophone est encore un peu en retrait, l'orgue fait entendre sa complainte parfois inquiétante ou proche de l'esprit d'une fête foraine. La voix grave et sentencieuse de Julien Hicks se permet de tutoyer Nick Cave, Tom Waits ou Leonard Cohen. Son chant est encerclé d'une nuée de chœurs qui renforcent l'idée que ses lignes vocales ont été enregistrées à l'intérieur d'un cercueil.
La musique de Rest In Gale s'apparente à un volcan sur
le point d'exploser. Il n'est toutefois jamais facile de prévoir à l'avance si
les signes avant-coureurs vont apporter le chaos, le groupe se plaisant
parfois à ne pas passer à la vitesse supérieure, préférant miser sur un
calme malaisant ou un cul-de-sac rythmique. Dans cet esprit, 'ISHA' est la montagne russe de l'album. Le
morceau débute avec un chant de bateleur cocasse accompagné de chœurs
fantômes, avant de cultiver des montées soudaines et des
cassures de rythme sans jamais exploser. 'Bateau Ivre', quant à lui, tangue avec l'allégresse d'un fêtard du samedi
soir sur la banquise d'un trottoir anonyme. Même si le titre en clin
d'œil nous rappelle Arthur Rimbaud, l'ambiance est plus proche du coup de feu que lui a tiré Verlaine à Bruxelles. La guitare lance quelques arpèges plombants, le chant qui ressemble à une chorale de détraqués impose une atmosphère dérangée couplée à un enthousiasme débordant.
Quand le groupe s'empare d'un genre, son coloriage déborde toujours des cases pour nous conduire vers un ailleurs, une façon de montrer que sa musique ne peut être assujettie à aucune étiquette. 'Amari' convoque l'esthétique raï mais s'intéresse peut-être inconsciemment à la musique tzigane. 'Dreamz' issu des bayous de Floride glace avec un solo de guitare aussi exhibitionniste que jouissif mais l'atmosphère est toutefois contrebalancée par les chœurs ardents. L'esprit grave et sentencieux est heureusement rompu par des chansons débridées ('Is It Better' ou 'Sweet Disease') voire une recherche de l'émotion pure ('Pushful Grin').
''Tombola'' est un album exigeant, pas forcément facile d'accès, loin d'être le plus joyeux de la galaxie mais l'auditeur se sentira enrichi après chacune de ses écoutes, découvrant une nouvelle porte d'accès vers d'autres cryptes. On peut noter un timide développement instrumental sur quelques titres, comme si le groupe n'était pas encore arrivé
à son zénith, promettant beaucoup pour un nouvel album. A suivre sans modération !