Petite bestiole longue de huit minutes seulement, pourquoi perdre son temps à chroniquer "Zaffiro" ? D'ailleurs, est-ce vraiment un album, aussi court soit-il ? Non, mais plutôt l'agrégat de trois objets musicaux non identifiés. L'univers du peintre polonais Zdzisław Beksiński dont il s'inspire est néanmoins attirant et pousse à pénétrer cet énigmatique projet tant dans la forme que dans le fond.
Dans la forme tout d'abord, il est le laboratoire d'une seule créature qui se fait appeler Wormface Torman (?). Nous n'en savons pas plus. Le fond n'est quant à lui pas plus facile à cerner, mixture de prog metal aussi aérien que déjanté et de death abyssal venu du cosmos. Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? En effet. Et ça ne s'arrête pas là car le personnage planqué derrière Tender Monster ne serait en réalité qu'une sorte de passeur de l'œuvre de Beksiński dans laquelle il aurait puisé des centaines d'heures d'enregistrements qu'il dévoile peu à peu à la face du monde, toutes n'étant pas exploitables. Ce récit délirant nous en rappelle un autre, celui consubstantiel à l'univers de Raptor King qu'il irrigue avec une force bariolée.
Or il y a un peu du Casimir vicieux et énervé dans Tender Monster. Mais ne serait-ce pas le King qui plante sa queue dans ce brouet qu'il remue avec ce mélange de fièvre contagieuse et de violence multi dimensionnelle ? C'est tout lui, ces borborygmes expulsés d'une grotte cosmique, comme cette manière de copuler le beau et le monstrueux, de faire jaillir une semence atmosphérique dans les replis d'un metal aux coutures extrêmes. Un peu d'ailleurs comme Devin Townsend dont le Raptor avoue pourtant ne pas être grand amateur mais auquel on pense quand même à l'écoute de ses projets. Tender Monster n'y échappe pas non plus.
Huit minutes c'est maigre mais toutefois suffisant pour être happé dans ce vortex indescriptible qui finit par vous hanter, par vous gratter jusqu'au sang. Ses trois pistes ne sont pas ce qu'elles ont l'air d'être, vraies-fausses ballades aux allures de portes ouvrant sur un territoire fantasmagorique. De cette contrée à la fois mystérieuse et inquiétante nous viennent des nappes spatiales dont les traits paisibles sont enténébrés par une grosse voix d'alien en rut ('IL Y a'), mais aussi une sorte de comptine sournoise ('Zaffiro') tandis que 'The Lotus Nephilim' semble recycler la mélodie d'une musique de film des années 70 qu'il sertit de kystes débiles.
Courts et brouillons, ces titres sont à prendre pour ce qu'ils sont, des ébauches dans l'intimité desquels infusent pourtant d'insoupçonnables trésors. Ils sont bel et bien comme des morceaux arrachés aux peintures torturées de Beksiński et tissent en l'espace de quelques minutes un multivers étrange et obsédant dans lequel on a envie de pénétrer plus profondément.