Le monde a basculé en août 2016 pour Architects, lorsque le groupe perdit son guitariste soliste originel et compositeur Tom Searle. "Holy Hell" sort deux ans plus tard et prend racine à partir des quelques démos enregistrées par le défunt musicien. Et qui dit changement de compositeur dit changement d’approche et donc d’identité artistique. Emmené par le batteur Dan Searle, la formation britannique poursuit son bonhomme de chemin avec son nouvel album, "For Those That Wish To Exist", un disque attendu de pied ferme car synonyme du début d’une nouvelle ère.
Outre la pandémie de la covid-19 touchant de plein fouet l’industrie de la musique, il est une autre pandémie, bien plus insidieuse et moins médiatisée, et qui pourtant gagne de plus en plus de terrain au sein des formations de metal moderne : le FMisation. La FMisation, c’est cette tendance qu’ont certains groupes à s’affranchir des codes musicaux ayant constitué leur renommée au fil des ans dans le but de s’inscrire dans l’ère actuelle du metal moderne et de conférer un aspect radiophonique à leurs morceaux pour toucher un plus vaste public. Sur le plan commercial, la recette fonctionne, mais sur le plan de l’intérêt pur et de l’originalité, le résultat est beaucoup moins séduisant comme en témoigne le terrain glissant dans lequel des groupes comme Bring Me The Horizon ou 30 Seconds To Mars se sont laissés emporter.
Ici, il n’y a plus un seul paramètre du nouveau son d’Architects qui n’ait pas été entendu à des milliers de reprises. Nous nageons en plein dans un océan de mélodies téléphonées, vues et revues. ‘An Ordinary Extinction’ met en avant les sonorités electro parfaitement au goût du jour, on retrouve des riffs super classiques de metal moderne bien lourds (‘Black Lungs’), un chant guttural contrasté par un chant aigu sur les refrains (‘Impermanence’), on abuse des gimmicks du metalcore avec des refrains pas originaux pour un sou (‘Flight Without Feathers’ et ‘Animals’ pour ne citer qu’eux) ou des passages atmosphériques sur fond de chant calme et mielleux (‘Giving Blood’).
La complexité qui fut un temps la marque de fabrique du metalcore d’Architects semble s’être volatilisée au profit d’une approche plus punchy, plus directe. A ce manque d’originalité s’ajoute une multitude de quinze titres qui sont d’une part difficiles à différencier les uns des autres, mais qui rendent surtout le contenu peu digeste.
Nous saluerons toutefois l’effort colossal du groupe effectué au niveau des arrangements puisque nous ne retrouvons pas moins de quinze musiciens invités sur le disque. Tout au long de l’album, le quintette est en effet accompagné d’un véritable orchestre conférant à l’ensemble une dimension épique, voire cinématographique comme sur l’intro ‘Do You Dream Of Armageddon’, semblant sortie tout droit d’un film. La production, dans l’air du temps, est elle aussi impeccable et met en valeur le côté grandiose de la musique des Anglais.
Après plus de quinze ans d’existence, et a fortiori après le drame vécu par le groupe, il est tout à fait compréhensible que les musiciens aient cherché à changer de direction. Nous ne pouvons pas non plus leur reprocher leur technicité impeccable ou leur maîtrise du jeu. Que dire du chant, où Sam Carter est impérial tant dans le registre clean que guttural, ou du recours à un orchestre demandant un surplus de travail énorme ? Mais un orchestre ou des arrangements aussi bons soient-ils ne sauraient compenser la faiblesse des compositions, démontrant s’il le fallait que le musique ne se limite pas à la maîtrise du son ou de l’instrument.
"For Those That Wish To Exist" est donc symptomatique de cette volonté de certains groupes de metal actuel de surfer sur la vague moderne afin de toucher un large public, en gommant leur unicité et en sacrifiant au passage toute originalité ou recherche musicale digne de ce nom. Pour le plus grand bonheur du public de la scène metal et pour un retour à une créativité retrouvée, souhaitons que cette mode ne soit que temporaire !