Le metal peut-il se confondre avec le Viagra ? La question mérite d'être posée au vu de ces vieux briscards qui dressent encore fermement une inspiration qui ne semble pas prête de se ramollir. Tom Angelripper, 57 ans au compteur, incarne parfaitement cette arrogante vitalité qui lui permet de mener Sodom depuis bientôt quarante ans ! Certes, le groupe se montre plus avare de sa semence qu'il crache tous les trois ou quatre ans seulement (sans compter des EPs par palettes entières pour boucher les trous). Certes, les Teutons ont tendance à lever le pied en matière de gros thrash qui tache et leurs derniers méfaits ne sauraient rivaliser avec les cultes "Persecution Mania" (1987) et plus encore "Agent Orange" (1989). Mais enfin, ils sont toujours là et c'est une bonne nouvelle.
"Genesis XIX" n'est pas la dix-neuvième rondelle des Rhénans mais la seizième, ce qui n'est pas quand même pas mal du tout. Alors qu'il a bâti toute sa carrière sous la forme d'un trio autour du roc Angelripper, Sodom accueille pour la première fois dans ses rangs un second guitariste. Il y a deux ans, suite au départ de Bernemann, pourtant solidement accroché à sa branche depuis 1996, Yorck Segatz et surtout le revenant Frank Blackfire qui enregistra les deux pépites précédemment citées ont en effet été recrutés. Ce changement de personnel n'est pas anodin. Parce que le retour au bercail de Blackfire en excitera plus d'un parmi les vieux hardos biberonnés au thrash allemand des années 80. Et parce que deux guitares peuvent changer beaucoup de choses pour un groupe peu réputé pour sa finesse.
Il en découle un effort traditionnel dans sa servilité à ce qui fait la renommée de Sodom depuis toujours, à savoir ce baquet de riffs assassins mais dont la propension à serrer le frein à main pour se lancer dans des parcours plus longs qu'accoutumée surprend. D'un côté, ça bastonne donc sévère avec les 'Friendly Fire', le bien nommé 'Sodom & Gomorrha', 'Euthanasia' ou 'Dehumanized' qui distribuent de sauvages fessées. Du pur Sodom en tube ! De l'autre, 'Nicht Mehr Mein Land', 'Waldo & Pigpen' s'enfoncent dans de lourds et pénétrants méandres tandis que 'Genesis XIX', 'The Harpooner' et 'Occult Penetrator' démarrent en mode reptilien avant de dégazer une violence bétonnée. Pourtant cet album n'est pas sans défaut. Faiblesse qu'il doit moins à cette dualité somme toute éprouvée qu'à son incapacité à adhérer à la mémoire. Sa durée, pas loin de soixante minutes, n'aide pas une défloration qui laisse en définitive un goût mitigé. Aux premières écoutes convaincantes succède ainsi une certaine déception face à un disque dont l'incontestable efficacité ne l'exonère pas d'une redondance toute aussi incontestable.
Reste un album qui, s'il ne trônera pas au sommet de la carrière des Allemands, assure l'essentiel, épaisse tranche de speed thrash qui sent la poudre plus que la naphtaline.