Né de la rencontre entre Clive Nolan et Eric Bouillette, le projet Imaginaerium prend une résonnance quelque peu particulière en cette année 2023, la publication de ce premier (et peut-être unique) acte suivant de peu le décès du guitariste. Rassemblant quelques membres de la fine fleur du rock néo-progressif actuel, ce projet nous présente quelques actes de la vie des Medicis au travers d'un opéra rock où chaque protagoniste de l'histoire se voit personnifié par un interprète différent. Dans le rôle du couple star, nous retrouvons deux habitués des productions de Clive Nolan, la sublime Laura Piazzai à la voix punchy et le non moins charismatique Andy Sears (Twelfth Night). Le tout est servi avec un magnifique livre au format vinyle richement illustré par Steve Anderson, et emballé par la production aux petits oignons d'Alexandre Lamia (Nine Skies).
'Festina Lente' plonge immédiatement l'auditeur dans l'ambiance : rythmé par une cloche, le chant féminin est soutenu par des chœurs grégoriens en arrière-plan, annonçant le mariage dépeint par la future épouse dans 'Duty of Love', porté par des claviers aériens fortement évocateurs de la Renaissance et des violons italiens, avant de virer carrément rock dans des chorus puissants. Tout du long de l'album se retrouve cette alternance de parties narratives à l'accompagnement sobre dans lesquelles le dialogue entre les différents interprètes se mêle avec les instruments, et des passages beaucoup plus rythmés et majestueux, les claviers apportant alors une emphase occupant l'espace sonore, complètement dans la tradition nolanesque (l'emballant 'Treachery' notamment).
Comme dans tout concept qui se respecte, certains thèmes récurrents se glissent dans différentes plages, comme pour donner plus de corps à l'ensemble. Les mélodies sont travaillées et l'on sent ici une véritable alchimie entre les deux géniteurs du projet dont on retrouve la patte d'une part dans la construction des différents titres, mais également dans leurs interventions instrumentales. Si du côté de Clive Nolan les claviers sont omniprésents sous les différents aspects que le musicien a pu développer tout au long de sa carrière, les interventions de guitare d'Eric Bouillette s'avèrent plus discrètes, mais d'une sensibilité à toute épreuve. On retiendra plus particulièrement son magnifique solo sur 'Legacy', titre conclusif qui reprend un des thèmes de l'album avec un accompagnement à la harpe, avant une intervention électrique d'une quarantaine de secondes qui fait carrément dresser les poils et courir des frissons le long de l'échine.
Face à un tel projet, l'analyse des détails n'a que peu d'importance. Laissez vous entraîner dans l'Histoire, laissez vous porter par la musique, par les textes et les images qui accompagnent l'ensemble, l'émotion est à portée d'oreille. Et n'hésitez pas à vous procurer l'album en édition spéciale, le deuxième CD proposant quelques versions alternatives pleines d'intérêt, ainsi qu'une interview de Clive, Eric et Laura,qui détaille toute la genèse du projet.