Manticora est l’incarnation même de ces groupes mésestimés qui, bien qu’ils aient déjà accouché de cinq albums, doivent encore maintenant se contenter de faire des premières parties lors de leurs tournées... Fait d’autant plus incompréhensible que les Danois enchaînent les albums réussis. Leur dernière offrande en date, The Black Circus Part I - Letters, ne déroge assurément pas à la règle.
Très à l’aise dans l’exercice du concept album depuis l’excellent Hyperion, The Black Circus nous conte l’histoire d’un cirque ambulant de Nouvelle Angleterre durant la fin XIX ième siècle. La singularité de la narration repose sur le fait que les paroles de chaque titre sont toujours rédigées sous forme de lettre. Non content de proposer à chaque nouvelle rondelle une histoire de qualité, Manticora peut donc se targuer d’avoir inventé le premier concept album épistolaire.
Le groupe propose une musique hybride, sorte de rencontre improbable entre Dream Theater, Iced Earth et Blind Guardian. Le combo est emmené par les frères Larsen. Kristian tout d’abord, guitariste génial au touché unique qui appose de superbes soli sur chaque titre. Puis Lars, le chanteur à la voix nasillarde très particulière, qui compte autant d’émules que de détracteurs. Son registre vocal est très large, l’homme étant aussi à l’aise sur les parties agressives que sur les morceaux plus calmes. Les autres membres ne sont pas en reste et affichent un niveau technique assez incroyable, notamment le batteur, véritable extra-terrestre.
Au fil des disques, le heavy dark progressif des Danois se complexifiant sensiblement, on pouvait craindre que ces derniers n’adoucissent quelque peu leurs compo. Il n’en est heureusement rien, comme l’atteste le dévastateur titre éponyme qui ouvre l’album. Soutenu par une rythmique en béton armé, ce morceau est certainement l’un des plus puissants que le groupe ait écrit. D’autres passages, comme l’intro de Forever Carousel ou l’énorme break de Gypsies’ Dance pt.1, achèvent de nous convaincre que Manticora n’est pas prêt de délaisser ses influences trash. Mais cette puissance ne se fait jamais au détriment de la mélodie, ainsi un soin tout particulier a été apporté aux refrains. On retiendra l’efficace Forever Carousel, et surtout le magnifique Enchanted Mind et son refrain aérien atypique.
Enfin, depuis The Puzzle ou Reversed, les membres de Manticora ont démontré qu’ils excellaient dans les power ballades. Le poignant Freakshow est une nouvelle preuve de leur incroyable talent dans ce registre.
Même si l’on peut s’interroger quant à la pertinence de la série d’interludes Intunerie, ce type de composition servant généralement l’histoire plus qu’il ne sert la musique, aucun morceau faible n’est à déplorer.
The Black Circus part 1 est encore une franche réussite de la bande aux frères Larsen. Comme le titre de cet album le suggère, cette première partie appelle une suite qu’il nous tarde d’écouter.