Après un cinquième album nous alertant sur l’urgence climatique, hélas toujours autant d’actualité, les Aurillacois de Monnaie de Singe nous proposent une sixième livrée qui nous entraîne aux confins de la folie humaine, en nous contant l’histoire tragique de Rose Ola Seks, norvégienne torturée pas des pulsions diaboliques. A noter que le récit est judicieusement résumé en français dans le livret pour les non-anglophones… la trame et le dénouement resteront ici secrets.
Après presque 25 années passées au sein du groupe, l’historique bassiste Serge Combettes a tiré sa révérence en 2019, remplacé par Eric Issertes. Et les nouveaux camarades de jeu de ce dernier lui offrent un baptême du feu en fanfare, avec le premier titre de l’album où la basse prédomine sur tous les instruments dans l’ambiance poisseuse qui sert de décor à la présentation de l’intrigue. Les guitares saturent, un gimmick inquiétant sert de repère à la voix d’Anne-Gaëlle Rumin-Monfils qui oscille entre fréquences graves et saillies dans les aigus quand l’héroïne à l’esprit torturé demande que l’on "entende sa prière". La production est léchée, parfaitement équilibrée entre tous les instruments, permettant de distinguer chaque couche sonore et contribuant à la mise en place de l'ambiance nordique à souhait.
Les plages qui suivent vont également valider le principal changement dans la musique de Monnaie de Singe , à savoir un son qui colle parfaitement au concept de l’album. Sonorités post-rock, guitares agressives, nappes de claviers inquiétantes aux sonorités très modernes, batterie très sombre avec très peu de coups de cymbales, bienvenue dans la folie de Rose. Ces ambiances contrastent bien évidemment avec quelques passages plus clairs, notamment lors des soli de guitares, qu’ils soient proches d'un David Gilmour (‘Rose Ola Seks’) ou plus typés néo-progressif (‘Three Days in Hell’).
La construction progressive des différents titres est évidente, leur enchaînement encore plus, et une écoute attentive permet de distinguer le travail remarquable de la section rythmique basse/batterie (‘Elias’ est un véritable régal) qui donne une assise formidable à l’ensemble, et pilote de main de maître les changements d’ambiance et de thèmes. Par-dessus tout cela, comment ne pas souligner la performance d’Anne-Gaëlle Rumin-Monfils dont la voix de mezzo illustre au mieux l’histoire imaginée par Jean-Philippe Moncanis et mise en musique par ses compères. L’histoire s’achève par un rebondissement inattendu, symbolisé par un titre qui pourra apparaître légèrement en décalage par rapport au reste de l’album et dont la chute instrumentale quelque peu brutale aurait mérité un développement plus conséquent.
Il n’empêche que cette sixième offrande des cantalous s’avère être un véritable régal auditif, de ceux qui offrent à leurs auditeurs de nombreuses écoutes au plaisir chaque fois renouvelé. Avec "The Story of Rose Ola Seks", Monnaie de Singe a franchi un nouveau pas qui, sa modestie dût-elle en souffrir, propulse la formation très haut dans la galaxie progressive et qui mérite une audience dépassant le simple cadre de notre hexagone.