Wellington, la capitale de la Nouvelle Zélande, a souvent été boudée au profit d'Auckland, Rotorua ou Christchurch. C'est pourtant oublier les bienfaits de la ville du vent, où l'enfant du pays Peter Jackson a souvent posé sa caméra (dans le truculent ''Brain Dead'' ou ''Dans Le Seigneur Des Anneaux''). Parmi d'autres sites à découvrir, Grumblewood fait encore figure d'inédit. Le groupe formé en 2016 a mis à profit l'immobilisme mondial pour franchir le pas et sortir son premier album ''Stories Of Strangers''.
Grumblewood sait se montrer délicat. Alors que les jeunes groupes modernes metallisent le rock progressif, les Néo-Zélandais préfèrent se retourner vers ses sources, plus folk comme Pentangle, Fairport Convention, Steeleye Span ou encore Jethro Tull. C'est d'ailleurs ce dernier groupe que Grumblewood semble porter comme étendard. ''Songs From The Wood'' doit être sans nul doute le disque de chevet du groupe. La flûte virevolte comme celle de Ian Anderson, l'excentricité héritée de Roland Kirk en moins. Le rock progressif des Néo-zélandais se montre parfois aventureux. On admire les différents dénouements de 'My Fair Lady' culminant jusqu'à l'apparition d'une voix féminine que l'on peut entendre à travers les lames déferlantes (le groupe nous aurait-il rendu un discret hommage ?). Les guitares sont bien en avant, la basse est caverneuse ('Fives And Nines'). Parfois, c'est une mandoline qui vient se manifester ('Picturesque Postcard', 'Stories Of Strangers').
Cependant même si l'écoute, en plus d'être agréable, nous donne l'envie de communier au plus près de la nature, la musique du groupe ne s'avère guère palpitante ou surprenante. Si le groupe trouve souvent un bon riff et brode autour de celui-ci, le morceau finit par revenir au point de départ et devenir répétitif ('The Sheriff Rides'), malgré quelques tentatives d'évasion. Certes malgré quelques références appuyées ('Castaways' ou le titre 'The Minstrel' qui emprunte parfois à Dave Brubeck), on ne peut accuser le groupe de plagier Jethro Tull, mais il ne bouscule pas de convention et joue avec les clichés sans jamais les enrichir ou les pervertir. L'autre principal grief à faire à cet album concerne la voix de Gav Bromfield. Celle-ci, rude, sévère, traînante, manque cruellement d'empathie, de chaleur et de charisme (à l'exception peut-être de 'Picturesque Postcard' et 'Stories Of Strangers'). Un peu comme si le chanteur n'avait pas vraiment souhaité être derrière le micro et qu'il s'activait sous la contrainte à une tâche pour laquelle il n'a pas l'organe pour briller. Ce qui explique peut-être l'apport du chant féminin, qui est hélas trop discret.
Ne soyons pas trop sévère avec Grumblewood et son "Stories of Strangers". Pour un premier album, le groupe est encore englué dans la toile de ses références et manque cruellement de charisme mais une poignée de morceaux, quelques étincelles de magie palpitent. En attendant, vous pouvez toujours réécouter la trilogie de la nature de Jethro Tull entamée avec ''Songs From The Wood''.