Quarante ans de complicité, et puis la mort au bout du chemin. Un chemin balisé d’albums, de tournées, de moments forts, de succès, de doutes, un chemin qui parcourt l’histoire de la vie de deux musiciens inséparables, l’un dans la lumière et l’autre dans l’ombre. Au décès de Tom Petty, Mike Campbell a perdu son alter ego, celui pour lequel il a composé tant de musique et avec lequel il s’est produit tant de fois sur scène, sans jamais se mettre en avant. Tom n’est plus, mais Mike continue le chemin. Après tout, outre les Heartbreakers, il a accompagné tellement d’artistes célèbres (Bob Dylan, Fleetwood Mac, Stevie Nicks, Don Henley) qu’il était bien temps pour lui, à 70 ans, d’avoir enfin son groupe. Avec The Dirty Knobs, Campbell prend un peu de la lumière qu’il a laissée à d’autres pendant si longtemps. Il était temps.
"Wreckless Abandon" est le témoignage d’un artiste qui a donné sa vie au classic rock américain. Et de rock, il en est question sur beaucoup de titres. Du rock américain pur jus, celui que son frère d’armes a joué pendant quatre décennies et que nous retrouvons sur cet album avec un mélange de nostalgie et de gratitude. Le plus troublant est sans doute la voix de Mike Campbell. Sa ressemblance avec celle de Tom Petty est si forte que de nombreux titres sonnent autant comme un hommage que comme la prolongation naturelle de l’œuvre du rockeur disparu (‘Wreckless Abandon’, ‘Southern Boy’, ‘Loaded Gun’).
"Wreckless Abandon" n’a pourtant rien d’un album posthume de Tom Petty & The Heartbreakers. Tout n’est ici que sincérité et retour au rock des origines, celui dont Muddy Waters disait ‘The Blues Had A Baby And They Named It Rock and Roll’. Car la plus grande influence de Mike Campbell reste le blues, et le blues imprègne la majorité des titres qui composent l’album (‘Don’t Wait’, ‘Aw Honey’). The Dirty Knobs se plait d’ailleurs à en faire varier les tempos, du slow blues à la Gary Moore (‘I Still Love You’) au heavy blues à la ZZ Top (‘Don’t Know The Boogie’), en passant par le country blues (‘Pistol Packin’ Mama’) et le blues rock (‘Don’t Know The Boogie’ et son hommage à John Lee Hooker).
Même si la musique de The Dirty Knobs est sans surprise, à part peut-être le titre ‘Fuck That Guy’ et sa référence à Dire Straits, elle a le mérite de nous replonger au cœur de la musique rock américaine, celle des routes sans virage et du soleil de Floride. Rien que pour ça, "Wreckless Abandon" vaut le détour.