Formé en 2001 comme trio, Årabrot est devenu au fil des années un couple, constitué du guitariste chanteur Kjetil Nernes et de sa femme Karin Park. Les albums de ce groupe au nom imprononçable par nos langues françaises ont toujours misé sur la carte noise énergique aux accents gothiques. Pour ce neuvième album, le mari et sa (très ravissante) épouse se sont acoquinés dans un ménage à trois avec Jaime Gomez Arellano, producteur ayant travaillé en compagnie d'Oranssi Pazuzu, Cathedral, Moonspell, Opeth et même Black Eyed Peas. La très belle pochette dévoile nos protagonistes s'inspirant de la matière d'un célèbre tableau de Grant Wood, ''American Gothic'', délocalisant le titre de celui-ci pour donner le nouveau nom de l'album.
Le voyage démarre sur des chapeaux de roue avec 'Carnival Of Love', rock efficace pourvu d'un gimmick de guitare obsédant. Tout au long des 56 minutes, Årabrot nous propose un périple mouvementé au plus profond d'un rock énergique à tendance gothique. Le duo s'amuse à créer des mini typhons rythmiques, des montées en tension soudaine ('The Rule Of Silence', 'Kinks Of The Heart') qui provoquent une éruption de plaisir chez l'auditeur. Parfois un instrument émerge de la marmite bouillonnante et laisse entendre sa plainte lugubre ('Hailstones For A Pain' et ses larsens écorchés de guitare, la guitare metal de 'Hounds Of Heaven' ou l'orgue de 'Hard Love' et 'Deadlock'). Parfois c'est une menace qui plante un décor désertique avec beaucoup d'efficacité ('The Moon Is Down'). La musique d'Årabrot peut être éprouvante et nécessite plusieurs écoutes pour être apprivoisée. Il est dommage que les Norvégiens n'aient pas disséminé dans leur œuvre plus d'instants de fraîcheur atmosphérique comme l'étrange 'Hallucinational' par exemple.
Le chant de Kjetil se fait tantôt émouvant, voire poignant, tantôt plus dur, plus froid, vomissant son fiel ('Hailstones For Rain'). Derrière, Karin assure des chœurs discrets mais non dénués de charmes vénéneux ou, lorsqu'elle assure le lead vocal, rappelle Björk sans son maniérisme. Des invités viennent apporter leur ponctuation sonore, les violons font très couleur locale dans un ciel tourmenté, les trompettes annoncent le Jugement Dernier. Chaque morceau secrète sa propre formule capable de maintenir l'attention de l'auditeur en vie, sans toutefois dissiper un sentiment de monotonie en fin de course.
Malgré son énergie contagieuse et ses atours, "Norwegian Gothic" manque un peu de variations (à l'exception d'un incroyable 'Hallucinational') mais dépoussière le blason poussiéreux du rock gothique.