57 ans de carrière, treize albums studios et un live, des singles à la pelle et un statut d’icône en tant que précurseur en matière de rock féminin… Même si elle n’a pas encore eu l’honneur d’apparaître dans nos pages, est-il besoin de présenter Suzi Quatro ? Sans elle, il n’y aurait probablement pas eu les Runaways, Girlschool, ou les Rock Goddess. De son côté, Joan Jett reconnaît humblement et sans honte que c’est elle qui l’a inspirée et lui a donné la motivation de se lancer. A 71 ans, et deux ans après un "No Control" (2019) passé inaperçu dans nos contrées, la chanteuse-bassiste de légende est de retour avec un opus intitulé "The Devil In Me". Celui-ci a été composé avec son fils, Richard Tuckey, et enregistré dans le studio de ce dernier qui assure également la guitare sur la plupart des titres. Il est également à noter la participation de Cherrie Currie (ex-chanteuse des Runaways) qui partage le chant avec la maîtresse des lieux sur ‘Betty Who’, comme pour boucler la boucle.
Pour ceux qui ne connaitraient pas encore la légendaire Suzie Q, cette dernière est considérée comme la prêtresse du glam féminin. Elle a été la première fille à prendre le leadership d’un groupe de rock dans les années 70 et a quitté son Detroit (Michigan) natal pour lancer sa carrière en Angleterre. Après une interruption de plus de vingt ans durant lesquels elle se consacra au cinéma et à l’animation d’émissions de télévision, son retour fut marqué en 2006 par l’album "Back To The Drive". "The Devil In Me" est son quatrième opus studio depuis cette date, et si cette galette ne va pas foncièrement révolutionner l’identité musicale de la légende vivante, elle risque néanmoins d’en représenter un des fleurons. Lancé par le titre éponyme, qui fait également office de single, cette collection de douze morceaux est une véritable démonstration du savoir-faire de Suzi Quatro et de la variété de ses influences.
En très grande forme, la patronne donne une belle leçon à quelques divas actuelles aux parcours préfabriqués et au manque de personnalité aveuglant. Nous avons ici droit à du rock-glam très 70’s avec une production ancrée dans son époque. Les pièces groovy (‘Hey Queenie’, ‘Do You Dance’) y côtoient des rocks directs à l’efficacité imparable (‘You Can’t Dream It’, ‘I Sold My Soul’) et aux forts effluves d’asphalte surchauffé. Les rock’n’roll old school (‘Motor City Riders’) s’enchainent sur des ballades jazzy et aériennes (‘Love’s Gone Bad’, ‘In The Dark’). Et tout cela est parsemé de délicieuses surprises telles que le funky ‘Betty Who’ qui va traumatiser quelques articulations, une ballade soul digne de la Motown (‘My Heart And Soul’) qui se révèle être une chanson de Noël, un rock lourd et bluesy au refrain negro spiritual (‘Get Outta Jail’) ou un bon vieux blues classique mais envoûtant (‘Isolation Blues’) à l’ambiance de pub enfumé.
En presque 45 minutes, Suzi Quatro remet les pendules à l’heure et rappelle que le rock, c’est avant tout une question d’ouverture d’esprit. A plus de 70 balais, elle remet en place toutes celles qui pensent qu’une démonstration technique ou de puissance est une preuve de talent. La flamme brûle toujours brillamment et la voix reste à la hauteur. "The Devil In Me" est un véritable souffle d’air frais dont la variété et l’authenticité remettent sur le devant de la scène une artiste au talent aussi varié qu’enthousiasmant. Merci Suzi Q !