"Vous devriez essayer d’écrire quelque chose ensemble." C’est la femme d’Adrian Smith qui, un jour, a lancé ça à son époux et à son pote de longue date Richie Kotzen. De là à dire, pour paraphraser l’adage bien connu, que derrière chaque grand projet se cache une femme, il n’y a qu’un pas que les deux guitaristes ont sauté allègrement, au point de composer un album entier. Et franchement, le mariage de leurs deux styles a priori très différents fonctionne à merveille sur ce premier album qui fleure bon le classic rock et le hard rock old school. Si pour Kotzen, ça semble une évidence au vu de ses collaborations avec Mr Big et The Winery Dogs, pour Smith ça l’est un peu moins. Pourtant les plus vieux d’entre nous se souviendront que c’est bien avec le hard rock que le guitariste d’Iron Maiden a commencé sa carrière au sein d’Urchin et que c’est encore vers le hard rock qu’il s’est réfugié en créant Psycho Motel, pendant son éviction du line up de la Vierge de Fer dans les années 90.
C’est donc sur les plates-bandes de Whitesnake et de Deep Purple (période Glenn Hughes) que marche ce premier album de Smith / Kotzen et c’est peu dire que leur association fonctionne à la perfection. Si vous voulez entendre à quoi ressemble le travail de deux grands professionnels qui jouent sans pression et uniquement pour le plaisir, c’est l’album qu’il vous faut. D’abord parce que les compositions sont toutes particulièrement réussies et enchaînent les riffs ravageurs et les refrains accrocheurs (‘Taking My Chances’, ‘Running’). Ensuite parce que, forcément, le niveau des solos de guitare est plus d’une fois à son apogée (‘You Don’t Know Me’, ’Til Tomorrow’). Outre le fait que les deux guitaristes prennent un plaisir non dissimulé à croiser le fer sur chaque titre, ils réussissent en plus le tour de force de mettre constamment leur belle complémentarité au service de leur musique, si bien que l’osmose est parfaite tout au long de l’album, ce qui participe grandement au plaisir d’écoute.
Mais cette complémentarité ne s’arrête pas à leur jeu de guitare, car Adrian Smith et Ritchie Kotzen savent aussi chanter et tiennent le micro à tour de rôle. Et là aussi, leurs deux voix se complètent à merveille, dans un registre blues pour l’un (‘Scars’) et plus rock pour l’autre, comme sur l’excellent ‘Solar Fire’, rare titre sur lequel Richie Kotzen (qui a tous les talents) n’intervient pas à la batterie, préférant ici laisser les baguettes à Nicko McBrain.
Ce Smith / Kotzen est une réussite à tous points de vue : qualités des compos, puissance des arrangements et excellence de l’interprétation. Cet album est le témoignage de deux artistes en symbiose totale, en parfaite possession de leurs nombreux talents, sans rien à prouver si ce n’est que le rock ne mourra jamais tant qu’il sera joué avec autant de foi, de maîtrise et de sincérité.