La force de Depeche Mode réside dans la symbiose entre l'énergique et sensuel Dave Gahan et le mélodiste plus sensible Martin Lee Gore. Si Dave Gahan s'est quelque peu écarté de la maison mère (notamment avec ''Paper Monsters'' et son single 'Dirty Sticky Floors'), son homologue a souvent pris la clé des champs, que ce soit avec son ancien collègue Vince Clarke au sein de VCMG ou en solo. En ce début d'année 2021, l'ange blond sort son 4ème album solo au titre pour le moins étrange ''The Third Chimpanzee'', directement inspiré par le livre de Jared Diamond, sous-titré ''Essai Sur L'Evolution Et L'Avenir De L'Animal Humain'', un essai anthropologique traitant du chemin parcouru par l'être humain pour descendre du chimpanzé et ses possibles évolutions futures. A noter que la pochette présente un dessin réalisé par un singe...
Martin Gore a essayé d'imaginer un album dont le compositeur serait un singe (une trouvaille hasardeuse en studio lorsque Martin s'est aperçu que sa voix déformée pouvait accuser quelques ressemblances avec des primates), chacun des titres portant le nom d'une espèce. Les mânes de Kraftwerk (l'introduction de 'Autobahn' sur 'Howler') et de l'électronique allemande sont convoquées. La multiplication des pistes pose une chape de plomb sur 'Howler' avant de trouver une esquisse de rédemption sur un final aussi exotique que lumineux. 'Capuchin' laisse transparaître quelques sonorités évoquant Depeche Mode ; c'est par ailleurs le seul instant où la voix de Martin Gore peut être entendue, déformée à la façon d'un primate.
Martin Gore poursuit sa quête technoïde entamée avec ''MG'' sans le moindre véto et en roue libre. Si l'artiste se fait plaisir, celui-ci n'est malheureusement pas toujours partagé par l'auditeur. Malgré l'aspect ludique de l'album, son manque de variété est assez
criant, avec souvent l'impression d'écouter le même morceau passé
sous le filtre de différents mixages sonores. Les compositions souffrent de la comparaison avec Tangerine Dream et Kraftwerk. Si une progression est généralement notable chez ces derniers, Martin Gore s'en tient le plus souvent à des boucles répétitives sur lesquelles s'opèrent parfois des micro-variations soit brèves ('Mandrill'), soit appliquant une nouvelle logique répétitive. Seul 'Vervet' sauve l'EP du désastre, morceau culminant à 8 minutes qui se montre plus
captivant et adopte une écriture quasi cinématographique permettant à l'auditeur de laisser son imagination divaguer.
"The Third Chimpanzee" ressemble à un recyclage des chutes du précédent album. On peut regretter que Martin Gore, en manque d'inspiration, n'ait pas un peu mieux soigné son concept, d'autant que le morceau 'Vervet' semblait indiquer la bonne direction.