Popa Chubby en a gros sur la patate. Trump, les complotistes, les vaccins à la 5G, la gestion américaine de la pandémie, tout ça l’énerve profondément et il ne se gêne pas pour le clamer haut et fort. "Tin Foil Hat" est un album politique, aux textes parfois parodiques, parfois rentre-dedans. Rien d’étonnant, on sait depuis longtemps que Théodore Joseph Horowitz n’a ni la langue ni la guitare dans sa poche. Reste à savoir si ses fans (qui restent nombreux en France) se contenteront des textes pour de nouveau plébisciter le New-Yorkais. Protester est une chose, composer en est une autre, et d’un point de vue musical, ce trente-cinquième album (en trente ans de carrière et en comptant les live) est plus proche de la Bérézina que du Capitole.
Une chose est sûre : le perfectionnisme n’a jamais été le point fort de Popa Chubby. Mais ce qui passait pour de la sincérité et de la ferveur à ses débuts est progressivement devenu une forme de nonchalance coupable. Entre blues rock mièvre (‘1968 Again’), boogie rouillé (‘Someday Soon (Change Is Gonna Come)’) et reggae insupportable (‘Cognitive Dissonance’), l’auditeur, même le moins exigeant, n’a pas grand-chose à se mettre entre les oreilles. D’autant moins que notre bluesman n’a aucun scrupule à s’inspirer des riffs des autres. C’est le cas de ‘Tinfoil Hat’ qui ressemble étrangement au ‘Peter Gunn Theme’ des Blues Brothers et de ‘Baby Put On Your Mask’ qui renvoie au ‘Stupidity’ de Dr Feelgood.
Mais au-delà du manque d’inspiration, c’est le manque de foi dans le blues qui irrite le plus et qui crée un décalage frustrant entre la hargne des textes et la pauvreté des compositions, comme si le seul but ici était de râler sans vraiment tenir compte de la musique. "Tin Foil Hat" est un album paresseux même dans les titres les plus revendicatifs, comme ‘No Justice No Peace’ et son refrain de quatre mots répétés 19 fois (j’ai compté) à la fin du morceau, ou ‘Boogie For Tony’, blues instrumental en shuffle totalement insipide, ou encore ‘Embee’s Song’, ballade sentimentale d’une mièvrerie confondante.
Seuls l’émouvant ‘Can I Call You My Friends’, qui sonne comme le cri d’urgence d’un artiste confiné, et ‘Another Day In Hell’, où l’on retrouve un peu l’influence hendrixienne de Popa Chubby, sauvent "Tin Foil Hat" du marasme, malgré une production cruellement dépourvue de relief. Alors lassitude ? Fatigue ? Démotivation ? Difficile de le savoir mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas avec cet album plat et insipide que Popa Chubby rentrera au panthéon du blues.