Qu'il semble loin le temps des premiers pas maladroits, jonchés d'imperfections, ce qui d'ailleurs faisait aussi leur charme. Aujourd'hui, il n'est donc plus rare de déflorer des galops d'essai dont aucune maladresse ne vient trahir le jeune âge de leurs créateurs. Tel est ainsi le cas de "Hyperion", porte d'entrée de l'univers tentaculaire de Sol Draconi Septem, trio nantais qui, autant l'annoncer de suite, tient déjà son sésame pour la cour des grands de l'art noir hexagonal.
Qui sont ces musiciens ? Les attributs mystérieux de rigueur qu'ils affichent ne permettent pas de répondre à cette question qui, du reste, n'a pas grande importance. Une chose est certaine en revanche, ils ont de l'ambition à revendre ! Ce que confirment au moins trois éléments : le concept, la musique et, dans une moindre mesure, les invités.
Le concept est assez facile à deviner. Comme le suggère le titre de ce premier album, Sol Draconi Septem puise son inspiration dans l'œuvre monumentale de Dan Simmons, ensemble de quatre livres qui comptent parmi ce que la science-fiction contemporaine a offert de plus abouti. Le groupe en a fait sa raison d'être et le corpus imaginé par le romancier américain foisonne d'une telle richesse qu'il y a facilement de quoi remplir une grande quantité de disques.
Ambitieux, Muon, Kaon et Tauon le sont également de par la nature même de leur musique, dont le caractère bourgeonnant se révèle en parfaite adéquation avec le matériau puissamment évocateur qui lui sert de socle. L'usage du saxophone n'est pas la moindre illustration de cette fulgurante audace doublée d'une liberté ad hoc. Plutôt rare dans le black metal, le recours à cet instrument a généralement pour effet d'illuminer, mieux, de transcender les compositions qui l'accueillent, ce dont témoigne d'entrée de jeu 'The Man Who Cried God' aussi ravageur que déchirant. Nimbes spatiales, batterie multi dimensionnelle et vocalises aux multiples tessitures, tour à tour claires, hurlées ou plus âpres, participent en outre de ce maillage d'une densité extrême.
Mentionnons enfin la présence de plusieurs invités venus prêter main forte au trio. Le bassiste Sven Vinat (Belenos, Himinbjorg), qui s'est aussi chargé du mixage et du mastering, ainsi que les chanteurs A.K. (Decline Of The I) et Bornyhake (Borgne), le premier jaillissant au détour de 'The War Lovers', le second, sur 'The Avatar', sont venus enrichir ce premier essai que le groupe a soigné dans les moindres détails. D'une insolente maestria, "Hyperion" nous embarque pour un voyage cosmique, parfois aux confins de la musique électronique ('The Long Goodbye'), sombrement entêtant ('I Remember Siri') mais toujours d'une fulgurante beauté ('The Pilgrims'). L'album a quelque chose d'un labyrinthe sonore et émotionnel où se chevauchent comme des plaques tectoniques black metal immersif, organisme industriel grouillant et effluves stellaires.
Touffu et limpide, noir et lumineux, inquiétant et bouleversant, "Hyperion" lance la carrière de Sol Draconi Septem sous les meilleurs auspices. Tout entier consacré à l'œuvre matricielle de Dan Simmons, le concept qui préside à la destinée du groupe promet d'autres albums d'une richesse au moins égale que nous attendons désormais avec une insupportable impatience.