Avec Dark Buddha Rising, nous atteignons les profondeurs du doom, nous touchons à ce que le genre a de plus démentiel, de plus hermétique. De plus énigmatique aussi. En un mot : de plus culte. Pour les malheureux (ou pas) qui n'auraient osé égarer leurs orifices dans l'œuvre des Finlandais, le simple nom sous lequel ces derniers se rassemblent suffit déjà à dresser un univers, probablement incantatoire, ultra pesant sans aucun doute. Sombre bien entendu. Héritier d'une longue tradition de doloristes possédés par la folie, Dark Buddha Rising est moins une question de raison que de foi. De ressenti surtout. Celui de se sentir avalé par ce maelström halluciné qui réussit l'exploit de sonner bruitiste tout en exsudant une espèce de beauté sourde qui confine à la transe hypnotique.
Comme souvent avec ce genre de mineurs de fond martelant leur noirceur avec un sens de la démesure aussi corrosive que pétrifiée, définir comme du doom cette musique (?) semble pour le moins réducteur voire inapproprié. Certes, c'est lourd, on n’en voit jamais le bout, ça ne passe jamais la seconde, le tempo prisonnier d'une gangue épaisse dont il ne parvient pas à s'extraire, mais la bête noue davantage de proximité avec le Onségen Ensemble qu'avec Reverend Bizarre, pour rester dans le pays des mille lacs.
Avec le temps, ces Finlandais ne vont pas vraiment mieux, comme en témoigne "Matheyata". Cinq ans après "Inversum" et sans compter l’EP sombrement baptisé "II", dont les vingt-cinq minutes (pour deux pistes seulement !) peuvent le confondre avec un véritable opus à part entière, le mystérieux quintet poursuit sa quête à travers un macrocosme qu'il est le seul à comprendre. Plus que jamais son art se drape dans une aura rituelle à laquelle participent autant ces hurlements d'agonie que ce pouls percussif. Si le premier pan de 'Sunyaga' de même que celui de 'Mahatgata III' pourraient laisser croire, le temps de quelques minutes néanmoins écrasantes comme un Léviathan, que les Scandinaves se sont assagis, nous mesurons que rien n'est plus faux arrivés à mi-parcours de ces deux sentinelles aux structures cyclopéennes.
Le titre d'ouverture s'abîme peu à peu dans un cratère d'une noirceur béante sur fond de rouleaux de batterie, de claviers oppressants et de guitares rongées par la démence. Quant à la plainte qui ferme le caveau, les vocalises hurlées qui la déchirent de toutes parts ainsi que son final qui s'emballe avec une fièvre hystérique et semble ne jamais vouloir stopper, elle achève l'écoute sur une note totalement chaotique. 'Nagathama' n'est pas moins dévoré par une fureur doublée d'une hallucination prolifératrice, vortex vertigineux tricoté par des musiciens constamment au bord de la rupture. Ces quatre pistes sécrètent pourtant un fluide envoûtant qui culmine lors de l'instrumental 'Uni' aux allures de happening sonore et sensoriel qui meurt dans une cacophonie cosmique.
Etirant les tentacules d'un drone ravagé par un psychédélisme noir, Dark Buddha Rising ne fait pas qu'exploser le compteur Geiger avec "Mathreyata, il pulvérise les limites de l'univers connu pour pénétrer un néant ferrugineux et torturé mais grouillant néanmoins d'étranges lueurs.