Derrière le nom d'Aboukir, célèbre bataille napoléonienne de la campagne d'Egypte, se dissimule Flabaire, lui-même alias de Ralph Maruani, architecte electro plutôt reconnu qui s'est laissé tenter par de nouvelles atmosphères. Le projet est resté au chaud dans un tiroir quelques années mais avec l'aide de proches et d'un batteur, le multi-instrumentiste pose la première pierre du temple Aboukir.
L'exotisme dégagé par le nom nous invite forcément au voyage. "Digital Introversion" nous place à bord d’une machine à remonter dans le temps, avec une période 1960-1970 au compteur. La musique d’Aboukir rend hommage au psychédélisme de ces années, alliée à un esprit planant. Le menu des festivités est présenté par 'Digital Introversion' avec sa voix paisible, son ambiance relaxante que quelques dissonances ne sauraient détruire. Peu ou prou c'est le cap que nous allons suivre. L'album s'articule principalement autour de la guitare, qui réussit à s’extirper de ces atmosphères ouatées pour se livrer à des arpèges lumineux décontractés mais légèrement tourmentés et mélancoliques. L'auditeur se laisse bercer par la ballade 'St People' dans une tradition Pink Floyd ou par 'Cosmic Discomfort' qui enrichit quelque peu la trajectoire en ajoutant un gimmick de guitare obsédant, une batterie implacable puis plus tard une basse et un orgue. Cette musique n'est pourtant ni pillage systématique ni du plagiat déguisé de cet âge d'or : le cahier des charges est certes respecté mais on ressent vraiment une patte et une identité derrière ce qui pourrait faussement apparaître comme des reliques du passé.
La voix d'Aboukir est douce et apaisée, nous rappelant par ses intonations John Lennon ou Rick Wright, légèrement lointaine, comme si elle ne voulait pas s'imposer, ce qui ajoute une dimension plus cosmique au projet. La deuxième partie de l'album reposant entièrement sur la même formule -une atmosphère apaisante, une voix douce en retrait et une guitare qui lance un solo- peut interroger et perd l'accroche initiale. Sans aller vers des riffs metal, il aurait pu être sage de faire monter quelque peu la température pour s'extirper de cette torpeur polaire.
Quoi qu'il en soit et malgré les défauts de ces qualités, Aboukir nous offre un intéressant voyage ; la guitare à la main, Ralph Maruani nous transporte vers des contrées paisibles qui si elles ont été façonnées par Pink Floyd ou David Byrne ne doivent plus rien ici à ces géants d'antan.