Nouveau venu au sein de l'écurie du puissant Century Media, Bewitcher n'est pourtant pas inconnu des amateurs de heavy metal nourri aux grains du speed façon Motörhead et Venom, lesquels n'ont pas manqué de goûter à son premier album éponyme et surtout à "Under The Witching Cross", respectivement publiés en 2016 et 2019. Soyons clairs, tombés dans la marmite de la NWOBHM, les Américains n'inventent absolument rien (ce n'est pas le but).
Power trio comme leurs illustres références, les gaillards de Portland se contentent de foncer pied au plancher à grands coups de riffs saignants, de vocalises imbibées de Jack Daniels et de sorcellerie de série Z. Sans prétention ni artifice. Des sédiments black metal remontent parfois aussi à la surface, ce qui n’est guère étonnant quand on sait que nombre de groupes prêchant dans cette chapelle, Immortal en tête, puisent également leur inspiration dans ce creuset métallique. Mais le tout procure furieusement l'envie de taper du pied et de sucer des bières sans pourtant jamais patauger dans la même saleté que Lemmy et Cronos à leurs débuts.
Impression confirmée par "Cursed By Thy Kingdom" qui n'oublie jamais de polir son propos, témoin ce 'Mystifier (White Night City'') que sillonnent des lignes de guitares plus enivrantes que ténébreuses. Malgré la sombre vitrine dressée, ne comptez pas sur ce troisième album ni pour appuyer sur l'interrupteur ni pour dégueuler de fielleux boyaux. C'est du speed black qui évoque davantage un monde de bikers (venus de l'enfer quand même, comme dans une bonne vieille pellicule) que de macabres rituels interdits.
Cela fait-il de Bewitcher un mauvais groupe et de cette rondelle une dispensable saillie ? Absolument pas, car les Américains s'y entendent pour cracher un germe contagieux. Passée une inutile intro, 'Death Returns...' nous attrape d'emblée, entame aussi irrésistible que turbulente. 'Satanick Magick Attack' lui emboîte le pas avec une vélocité et une efficacité identiques, mettant en branle une demi-heure de heavy survolté qui sent le cuir et sous les bras. Mais 'Electric Phantoms', aux timides atmosphères brumeuses, le rampant 'Valley of The Ravens' qui voit Unholy Weaver of Shadows & Incantations (c'est le nom du chanteur et guitariste !) singer Abbath pour un résultat qui sonne forcément très Immortal ou, dans une moindre mesure, 'Metal Burner' aux relents de vieux Maiden, poinçonnent un menu (un peu) moins linéaire que ce à quoi semblait le condamner son amorce speed et bourrue.
Dommage toutefois que Bewitcher ne déserte pas plus ce sillon rustre et sauvage mais, sans lequel, il est vrai, "Cursed By Thy Kingom" ne serait évidemment pas ce qu'il est, soit une bonne tranche de heavy hachuré de touches black, direct et primaire qui ne se prête de toute façon guère aux longs discours et aux fines analyses. Ceux qui connaissent déjà les Américains ne seront ni déçus ni surpris, les autres y tèteront le jus des vieux Venom et Motörhead, idéal pour avaler les kilomètres en chevauchant une puissante mécanique.