Les mecs de High On Wheels sont des hommes de goût. Déjà, biberonnés aux lourdes mamelles du fuzz, ils pratiquent un desert rock enfumé et caillouteux comme il se doit, évoquant aussi bien Kyuss que Monster Magnet ou Fu Manchu. Surtout, ils aiment le cinéma, mais pas celui qui reçoit les honneurs du festival de Cannes ou qui noircit les colonnes de Télérama. Non, on parle là plutôt de Nanarland ou de Mad Movies, de séries B voire franchement Z qui seront toujours plus jouissives à mater qu'un film de Jacques Doillon ou Luc Besson.
Cette adoration pour le cinéma de quartier n'est pas nouveau mais avec "Fuzzmovies" (forcément), le trio français fait mieux que de s'en inspirer, il lui rend non seulement un hommage aussi sincère que sympathique mais puise dans cet univers de salles obscures miteuses et aujourd'hui disparues, de vidéoclubs eux aussi disparus, la matière à forger son rock qui sent sous les bras, trempé dans l'huile de vidange, la peau tannée par le soleil. Il suffit d'écouter l'énorme 'Hitman le Cobra,' du nom d'une bobine culte des années 80 avec Richard Harrison, dont il recycle les dialogues et des passages, pour cerner comment High On Wheels se nourrit de tout ce pan bordélique du 7ème art.
Le successeur du remarqué "Astronauts Follow Me Down" (2018) est ainsi grignoté de multiples samples, extraits de Cannonball, Satan's Sadist ou Blood Feast cependant que la divine Tura Satana, égérie de Russ Meyer, introduit 'Blind Your Mind', lequel lance les hostilités avec ce mélange de bûches graisseuses et de volutes célestes qui n'appartient qu'aux Parisiens. Car derrière le délire sexy et pelliculé, il y a des types qui ont du talent à revendre. Ils ont gravé cet album en un week-end dans des conditions live et dépouillées.
Cette authenticité couplée à une urgence décontractée commande une rondelle gorgée de feeling et de sueur qu'on devine propice à des jams dantesques. Avec en sus une espèce de démesure orgiaque qui propulse ce stoner vers des sommets jubilatoires à l'image de 'Thrill Under My Wheels' ou ce 'In My Head' cotonneux et mazouté. Cette approche guidée par la beuh et la tequila n'exonère toutefois jamais le groupe d'une écriture acérée comme l'illustrent le bourru 'Last Page' ou le remuant 'Destiny Is On My Way'.
En s'enfilant "Fuzzmovies", la filiation entre High On Wheels et ce cinéma de genre qui lui est si cher saute aux oreilles car les deux partagent une même désinvolture foutraque et l'absence de prétention ad hoc, loin des modes et des grosses productions. Et déclenchent surtout un plaisir coupable identique chez l'amateur.