Quand on s'intéresse au black metal teinté d'atmosphères graves et forestières, anglo-saxon en particulier, il est impossible d’ignorer le nom d'Andy Marshall, artiste complet tout d'abord repéré au sein d'Askival avant de rejoindre Falloch puis de fonder bien sûr Saor dont la poignée d'offrandes (quatre à ce jour) l'ont imposé parmi les artisans les plus inspirés de l'art noir de la Perfide Albion, aux côtés des Winterfylleth et autres Fen. L'homme demeure un solitaire puisant sa sève dans un terreau gaélique obscur et mystique, se nourrissant de longues déambulations à travers la rude nature écossaise.
Comme il le reconnaît lui-même, Fuath est né d'une soif de noirceur plus sombre et glaciale que Saor ne pouvait épancher avec son expression davantage folklorique. En 2016, le premier effort sous cette bannière parallèle ne pouvait passer pour autre chose qu'une ébauche, cependant porteuse des immuables qualités de son créateur. Le projet n'en était donc pas moins prometteur. Marshall l'a compris, se donnant enfin tous les moyens pour lui conférer la grandeur et l'étoffe qu'il réclame. Pour ce faire, il cède la batterie à un autre musicien (l'Espagnol Carlos Vivas en l'occurrence) et recourt à un enrobage sonore plus ample et puissant.
Le résultat est ce deuxième album aux traits moins renfrognés, vibrant d'une force organique. Voisinant parfois avec les dix minutes, les compositions restent toujours fidèles à un canevas étiré mais se dressent cette fois-ci dans toute leur crépusculaire plénitude. D'une froideur tourbillonnante, le black metal forgé par l'Ecossais se pare ainsi d'une envergure qui faisait défaut au galop d'essai, ce qui ne l'exonère en rien d'une forme de sévérité qui tient de l'épure sinistre et austère.
Au martèlement abrasif d'une instrumentation aussi implacable que raboteuse se greffent néanmoins un chant clair parfaitement maitrisé ('Endless Winter') ou des nappes de claviers brumeuses ('Prophecies') qui adoucissent quelque peu le propos sans le vider de sa substance hivernale et fielleuse. Les progrès se lisent enfin au travers d'une écriture tempétueuse héritière du patrimoine établi par des groupes comme Winterfylleth ou Wodensthrone, comme en témoignent successivement 'The Pyre' puis 'Into The Forest Of Shadows' dont la mélancolie nébuleuse se conjugue à une dureté spartiate. Si Saor peut parfois agacer par sa truculence un peu mielleuse, Fuath érige quant à lui une identité froide et haineuse, âpre et minérale qui ne lui interdit toutefois pas de faire ruisseler des émotions douloureuses empreintes de cette tristesse solitaire propre au maître des lieux.
Après un premier jet maladroit il y a cinq ans, "II" offre au projet l'écrin qu'il mérite tant par son ampleur que par sa richesse de traits.