“Nul n'est prophète en son pays” pourrait être la devise du groupe français Chunk! No, Captain Chunk! Exilé dès le début de sa carrière aux Etats-Unis faute de débouchés en France, le combo a trouvé outre-Atlantique un succès qui ne se dément pas depuis 2011 en signant chez Fearless Records spécialiste du genre punk rock. Après deux albums sortis en trois ans d'intervalle, le groupe s'est mis en pause pour prioriser des projets personnels.
Alors qu'on aurait pu croire à l'abandon du projet pour des raisons intimes de la part des musiciens et une situation sanitaire qui au surplus remet encore en cause certaines perspectives artistiques, Chunk! No, Captaine Chunk! revient aux affaires avec "Gone Are The Good Days". La pochette du disque qui fait ouvertement référence aux années 80 et le titre traduit dans la langue de Molière ('Les bons jours sont partis') mettent l'auditeur en face d'une vitrine qui semble exposer une certaine nostalgie. Celle-ci est-elle pour autant synonyme de changement d'orientation pour les Français puisque 10 ans se sont écoulés entre "Something For Nothing" et ce nouvel album qui vient après une longue pause de 7 ans ?
Que les fans du groupe se rassurent, l'album n'a pas laissé de côté cette fraicheur et cette efficacité presque encore adolescente et insouciante qui ont façonné le groupe pendant des années. L'influence punk californien est toujours dans l'ADN des musiciens ('Gone Are The Good Days') apportant ainsi une énergie qui demeure positive, mélangée à la gravité du hardcore et du metal. Si les années ont passé, elles n'ont pas remis en cause cette recherche de fusion, même si elle apparaît ici plus équilibrée. C'est toujours ici que réside l'originalité de Chunk! No, Captain Chunk!, celle d'offrir une porte d'entrée dans le hardcore ou le metal ('Made For More') en proposant des passages accessibles et mémorisables.
Si le changement n'est pas aussi flagrant qu'il n'y paraît, il se glisse subversivement par quelques touches de modernité et d'apports d'influence caribéenne, notamment dans 'Complète You' avec son rythme chaloupé et ensoleillé souligné par une belle intervention du saxophone. L'album offre aussi quelques passages funky qui rappellent Extreme comme dans 'Blame It On This Song', ou plus acoustiques, calmant un peu le jeu pour apporter un peu plus de relief à l'ensemble ('Marigold'). La nostalgie que l'on sent poindre tout au long de l'album éclate au grand jour avec 'Fin.' qui clôt l'album de fort belle façon, témoignant d'une tension émotive qui rappelle un peu Dredg.
Malgré cette bonne impression et des titres solides et efficaces, on ressort légèrement frustré : il y a un peu trop de frilosité dans le fait de casser encore plus les codes fusionnels et il manque des développements qui auraient permis de densifier le disque dont la générosité semble quelque peu donner le sentiment trouble de tourner en rond.
Arrivé à la trentaine pour certains de ses membres et bien qu'étant à la croisée des chemins après une longue pause, Chunk! No, Captain Chunk! démontre avec "Gone Are The Good Days" qu'il n'a rien perdu de sa superbe dans son easycore toujours aussi énergique et frais. Finalement, cette nostalgie-là fait du bien et on a hâte de la voir vivre sur scène où elle prendra sans doute de l'ampleur. Ce n'est pas Sinok et les Goonies qui diront le contraire...