En 2019 le guitariste de Hacride Adrien Grousset et la chanteuse Laetitia Finidori décident de monter un duo et de composer en vue d’un album. Rapidement rejoint par le batteur Matthieu Guérineau, le duo peaufine une écriture qu’il explique lui-même « centrée autour du féminisme, du statut de la femme dans la société ou encore la défense des droits LGBTQ » (ne faisons pas de discrimination, ajoutons IA+). Six titres sont choisis pour proposer un premier EP intitulé "The Widow".
Selon le groupe, encore une fois, les sujets abordés dans l’EP "The Widow" expliquent le choix du nom du groupe Erei Cross, anagramme de « sorcières », comme thème moderne du féminisme et de l’émancipation de la femme. Comment de tels sujets, ô combien abordés par la superstructure progressiste politico-médiatique de ces dernières années, se conjuguent-ils dans la musique de Erei Cross ? Il y a tout d’abord cette voix féminine (que le groupe me pardonne cette classification genrée) portée par Laetitia Finidori dont les chants à la fois éthérés (‘The Widow’) et languissants (‘Here I Am, Far Away’) qui ne manquent pas de charisme et de profondeur incarnent toute la dimension de mystère du groupe. Il y a également cette ode à la diversité dans six titres tous très différents et à la personnalité bien affirmée. Enfin, si la symbolique de la femme devait s’incarner en musique (que le groupe me pardonne d’essentialiser la femme) Erei Cross en serait une fière démonstration, alliant l’esthétisme harmonique, le caractère varié et l’énergie intérieure génératrice de vitalité.
Les compositions de "The Widow" oscillent entre force et finesse, jouent sur les moments de tension et les contrepoints de relâchements par la mélodie pop (le couplet et le refrain de ‘Sorgin Dantza’ et ‘Here I Am, Far Away’ fonctionnent sur cette dualité). La musique d’Erei Cross affiche une forte composante alternative faite de riffs tranchants et de rythmiques entrainantes (le disco-funky ‘Lilith Grand Bitch To Queer’ au refrain de douceur pop) et des ajouts electro qui rappellent qu’Adrien Grousset est le guitariste de Carpenter Brut (la fin de ‘Sorgin Dantza’ et ‘Here I Am, Far Away’, le puissant ‘Ainmosni’ au dénouement indus jouissif de densité). Il y a surtout des ambiances si particulières qui règnent sur l’EP, à la fois si différentes à chaque nouveau titre et pourtant participant de la cohérence globale du disque. Des atmosphères plus énigmatiques que noires (rappelant en cela la patte de Ghost) et pourvoyeuses d’images fortes (le liturgique ‘The Widow’, ‘All In’ et ses claviers qui sonnent comme du clavecin). Participant de cette densité harmonique, le travail sur les arrangements est impressionnant de justesse (‘Lilith Grand Bitch To Queer’, ‘The Widow’) et de pertinence en ce qu’ils transforment en quelques secondes la tonalité d’un morceau grâce à quelques ajustements instrumentaux à la précision chirurgicale.
Erei Cross frappe un grand coup avec son premier EP "The Widow" aux compositions envoûtantes et sans barrière. Avec ses assemblages d’une parfaite fluidité et son instrumentation réfléchie, le groupe parvient à donner un côté rafraîchissant à l’ensemble de ses chansons sans verser dans le léger ni le superficiel. Cette production inaugurale à toutes les caractéristiques de l’évidence, dans sa personnalité indéniable et son accroche mélodique, dans la totale adéquation entre les thématiques d’écriture, les choix stylistiques abordés et les interprétations.