Basé en Suède, Portrait fournit une double confirmation. D'une part qu'il est toujours aussi rare de prendre en flagrant délit de maladresse et de médiocrité les groupes suédois dont le professionnalisme impressionne.
D'autre part, qu'il est facile désormais de bâtir une carrière sans rien proposer d'original et se contenter de calquer non pas seulement le style mais l'identité de ses illustres aînés. A ce niveau de mimétisme, il ne s'agit plus d'influences mais de photocopies ! Alors certes, c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes, mais cela n'interdit pas d'avoir une personnalité malgré tout affirmée. Mais nos Suédois n'en ont que faire et sans doute ont-ils raison comme en témoigne le succès qu'ils rencontrent. Et après tout, ils se font plaisir, accouchent de disques solides, cela suffit à leur bonheur et à celui de leurs fans toujours plus nombreux.
Il est vrai d'ailleurs que "At One With None" s'enfile sans difficulté, gorgé d'hymnes ('Curtains (The Dumb Supper') et de saillies moins immédiates mais riches de progressions sinueuses ('He Who Stands') qui remplissent un menu techniquement irréprochable quoique traînant un peu en longueur lors d'une seconde partie moins prégnante, certains titres méritant quelques coups de ciseaux ('Ashen' et ses neuf minutes au demeurant séduisantes). Reste que l'impression d'écouter un album de Mercyful Fate, puisque c'est de lui dont se réclame Portrait, se révèle troublante tant le chanteur Per Karlsson exécute une imitation franchement convaincante de King Diamond avec lequel il rivalise sans peine, les cordes vocales coincées dans la braguette, à l'image de 'At One With None', amorce excellente qui semble tout droit échappée de "Melissa" ou de "Don't Break The Oath", la prise de son actuelle en plus.
Il en découle un résultat embarrassant en cela que ce cinquième album ne saurait susciter la moindre réserve quant à son exécution doublée d'une architecture en béton armé mais dont les influences sont tellement évidentes - quoique revendiquées - qu'il rend impossible d'adhérer totalement à la démarche d'un groupe par ailleurs toujours habile à ériger des forteresses épiques.
De fait, il existe deux façons d'aborder Portrait : oublier qu'il doit tout aux Danois et apprécier "At One With None" comme un solide album de heavy à l'ancienne ou bien juger qu'il ne fait que recycler ce que d'autres ont (mieux) fait avant lui. Faites votre choix !