SWALLOW THE SUN: Moonflowers (DOOM) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Lors de la présentation de "When A Shadow Is Forced Into The Light" (2019), nous nous interrogions sur la capacité de Juha Raivio et Swallow The Sun à poursuivre sur la voie empruntée par cet opus à la beauté aveuglante et à la douleur déchirante. Pourtant, lorsque le guitariste et leader de la formation finlandaise de doom-death déclare qu’il déteste son nouvel album en raison de “ce qu’il représente pour lui personnellement et où il le mène”, il semble bien que la profonde souffrance qui avait conduit à la composition du chef-d’œuvre de 2019 ne soit pas apaisée. Il faut dire que la crise sanitaire qui a empêché le groupe de tourner en confinant ses membres chez eux n'a pas aidé le guitariste à se changer les idées.

"Moonflowers", nouvel opus et seconde sortie discographique de l'année après le live "20 Years Of Gloom, Beauty And Despair", creuse ainsi le sillon de chagrin entamé en 2019. Mikko Kotomäki utilise toujours majoritairement un chant clair grâce auquel il transmet une mélancolie en équilibre au bord d'un abîme de désespoir où nous précipitent quelques growls déchirants de colère et de souffrance ('Woven Into Sorrow'). Il est d'ailleurs étonnant qu'au milieu d'un tel océan de douleur, Swallow The Sun réussisse l'exploit d'offrir des refrains qui se font accrocheurs dans leur genre ('Enemy', 'The Void'), frêles esquifs auxquels l'auditeur s'accroche pour ne pas sombrer dans des profondeurs tourmentées et obscures.

Au milieu de cette beauté envoûtante et figée dans la glace, la linéarité n'est jamais de mise. Au-delà des saillies coléreuses traduites par les growls, quelques pâles lueurs d'espoirs apparaissent, comme sur 'All Hallow's Grieve' qui voit Cammie Gilbert (Oceans Of Slumber, Ayreon) partager le chant avec Mikko pour tendre un pont fragile entre les mondes des morts et des vivants, dialogue émouvant avec l'être aimé disparu. Lugubre et apaisant à la fois, 'The Void' flotte en apesanteur dans le vide qu'il traduit avec une atmosphère éthérée rappelant parfois Paradise Lost. Quant à 'The Fight Of Your Life', il se repose sur quelques passages à la délicatesse acoustique digne de Katatonia avant un solo lumineux laissant deviner un être qui se relève pour poursuivre son chemin entre espoir et colère, sentiment traduit également par les passages black metal d'un 'This House Has No Name' ressortant blast-beat et chant hurlé de placards où ils semblaient avoir été oubliés.

Sans sombrer dans la redite, "Moonflowers" prolonge le calvaire de son auteur tout en partageant une douleur qui renforce son humanité. En effet, si la souffrance est un sentiment qui permet parfois de se sentir vivant, elle traduit ici le parcours de celui qui la traverse comme la sensibilité de celui qui la reçoit. Aussi bien mélancolique que lacéré d'un espoir fragile, hésitant à sombrer dans la colère ou à s'apaiser en acceptant la douloureuse réalité, cet album est un chemin qui vaut la peine d'être partagé tout en étant conscient des risques qui le pavent.

SWALLOW THE SUN

MOONFLOWERS

CENTURY MEDIA RECORDS

DOOM