Qu'ils martèlent du black (Besatt) ou du death (Vader bien sûr), les Polonais n'ont jamais vraiment été réputés pour faire dans la dentelle. Les tendres préliminaires ou les développements atmosphériques ne les intéressent guère en général, leur préférant des blitzkriegs sans vaseline. En cela, Hate demeure un des plus aboutis représentants de cette agression à la polonaise, et ce depuis trente ans !
De la formation historique, il ne reste évidemment plus grand monde, à part l'inoxydable Adam Buszko, son chanteur et guitariste. Mais il a pu, en recrutant le second gratteux Domin en 2017 puis récemment une nouvelle paire rythmique (Tiermes à la basse et Nar-Sil derrière les fûts), inoculer un salutaire afflux de sang neuf à son death metal dont la précision technique au service d'une puissance guerrière ne l'a jamais exonéré d'une cruauté ténébreuse. Corollaire d'un équipage régénéré, "Rugia" déboule à la vitesse d'un cheval au galop et impressionne. Moins par une brutalité chirurgicale toujours de mise et dont les Polonais ne se départiront de toutes façons jamais que par une appétence inédite pour les tempos rampants et malsains à souhait.
Alors certes, ça bastonne sévère, comme d'habitude, avec une orgie de double grosse caisse et de riffs assassins ('Resurgence') en un véritable concentré de haine. Ça tient en moins de quarante minutes, poinçonnées par neuf morsures elles-mêmes aussi tendues que robustes. Hate ne fait donc pas mentir son nom et les amateurs de débourrage bien rude ne pourront être déçus par cette douzième livraison. Mais le fait est que les Polonais n'ont jamais non plus autant serré le frein à main, perforant parfois leurs saillies d'une lenteur suffocante. Jamais non plus la frontière avec le black metal n'a paru aussi mince dans un ensemble rongé par une négativité à la fois morbide et venimeuse.
Il n'est donc pas rare d'identifier dans cet album de lourds aplats, de pesantes crevasses au fond desquelles macèrent des ambiances noires comme une âme possédée. 'Exiles Of Pantheon' se voit ainsi sabré par de vicieuses pénétrations, 'Rugia' se pare même d'atours étonnamment mélodiques dans une veine cependant charbonneuse, tandis qu'un 'Sun Of Extinction' répand une brume crépusculaire accouplée à des escarres accrocheuses. Cela ne leur interdit pas une dureté torrentielle et encore moins une noirceur abyssale sculptée par les gorges profondes exécutées par l'inamovible capitaine au long cours qui tient fermement les commandes d'un Panzer jamais avare d'une violence pointilleuse.
Avec ce "Rugia" aussi bouillonnant que mortifère, Hate coagule death et black metal et expose une forme insolente pour un tel vétéran qui, comme le bon vin (de messe), se bonifie avec le temps.