Mais elles sont partout ! Qui ça ? Les filles bien sûr ! Dans le metal symphonique, évidemment, dans le heavy, dans le doom, dans le black (un peu) et même là où nous ne les attendons pas, dans le death ou le hardcore. Les bonshommes n'ont plus le monopole de la bestialité, et ce depuis longtemps. Nul ne s'en plaindra. Encore faut-il deviner que ce sont bien des femmes qui éructent dans le micro ! Ce n'est pas toujours évident. Et quand en plus ces chanteuses arborent des tatouages plein la peau, on mesure que la frontière entre les genres se révèle de plus en plus ténue.
Tout ça pour dire que Employed To Serve (ETS) n'est là ni pour charmer ni pour rigoler. Et Justine Jones non plus ! Encore peu connu de ce côté de la Manche, le quintet alimente pourtant le renouveau de la scène metal de la Perfide Albion aux côtés de Venom Prison, qui embarque lui aussi une front woman. Mais attention, couillu est ce metal biberonné au hardcore bitumeux et poisseux. C'est ce qu'on appelle du metalcore, étiquette qui fait souvent peur mais que ETS transcende avec classe et puissance. Peut-être parce qu'il mise davantage sur le metal et moins sur l'aspect coreux...
Ceci dit, les vomissures énervées crachées par Justine arriment clairement le groupe à un gros son brutal et vindicatif. Elle n'a d'ailleurs pas besoin qu'un second chanteur, Sammy Urwin, vienne la soutenir en growlant par intermittence. Il faut l'entendre dégueuler ses tripes aux allures d'étendards ensanglantés, clé de voûte aussi impressionnante qu'effrayante d'un édifice planté dans un monde de plus en plus anxiogène. Une pâle d'espoir jaillit néanmoins de "Conquering" que nourrissent des gorgées de mélodies finalement très métalliques.
En fait, ce nouvel effort des Anglais, dont le titre reflète bien le message positif qu'il porte toutefois avec une hargne teigneuse, négocie un glissement vers une musique moins radicale dans sa violence atrabilaire. Plus travaillée sinon sophistiquée aussi. Le mélo death suédois, matrice du nu metal n'est parfois pas loin ('We Don't Need You'), des breaks à foison fracturent des compos énergisantes ('Twist The Blade'), un chant clair mène la danse la temps d'un étonnamment lumineux 'Mark Of The Grave' tandis que des soli viennent même zébrer ce ciel orageux.
Employed To Serve n'en dilue pour autant ni sa fiévreuse brutalité ('Universal Chokehold' aux préliminaires faussement doucereux) ni son appétence pour les ambiances malsaines qui font plus qu'affleurer à la surface de ce quatrième album, témoin un 'World Ender', pesant et tendu comme un string, ou ce 'Stand Alone' terminal qui s'enfonce dans les méandres caverneux d'où s'exhalent de mortifères émanations.
Fort de ce "Conquering", sombrement victorieux, Employed To Serve renforce non seulement son statut de valeur sûre du (néo) metal britannique mais trouve le juste milieu entre noirceur vitaminée et force mélodique crasseuse. C'est l'album de la maturité - même s'il semble évident que les Anglais ne devraient pas en rester là.