MASTODON: Hushed & Grim (METAL PROGRESSIF) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Il était le cinquième membre du groupe, celui qui a cru en eux alors que Mastodon n’était encore qu’une bande de potes qui jouaient du metal underground dans les clubs d’Atlanta. En quelques années, il les a fait passer du statut d’outsider à celui de monument du metal mondial. Hélas, Nick John s’est éteint à l’automne 2018 des suites d’un cancer du pancréas. Pour Mastodon, la perte fut incommensurable. En plus de leur manager, les Géorgiens perdirent un ami et un frère. Alors une fois de plus, le chagrin leur a servi de moteur pour composer leur huitième album studio, "Hushed And Grim". Exactement comme en 2009 lorsque le décès de Skye, la sœur de Brann Dailor, inspirait chaque composition de "Crack The Skye", comme en 2011 lorsque la mort du frère de Brent Hinds lors d’un accident de chasse engendra "The Hunter", comme en 2017 lorsque les médecins diagnostiquèrent un cancer à l’épouse de Troy Sanders juste avant l’enregistrement de "Emperor Of Sand". La musique de Mastodon se nourrit des tragédies comme la poésie se nourrit du spleen, pour à chaque fois s’approcher un peu plus de l’excellence, jusqu’à l’atteindre totalement avec cet exceptionnel "Hushed And Grim".

De la pochette de l’album et sa symbolique païenne jusqu’au bouleversant et titanesque ‘Gigantium’ qui le clôt, jamais la musique de Mastodon n’a été aussi habitée et aussi cohérente. Jamais l’émotion n’a été aussi palpable. Jamais le groupe n’a semblé aussi soudé autour d’un projet aussi fou et ambitieux que celui de composer un double album à l’ère de la généralisation des plateformes musicales. Et jamais la musique des Géorgiens n’a été aussi difficile à définir. Car, comme à leur habitude, les musiciens mélangent les styles avec une facilité et un aplomb déconcertants, appelant la pop (‘Sickle And Peace’) et la country (‘The Beast’) à la rescousse de leur metal flamboyant sans jamais se défaire d’un psychédélisme récurrent qui fait toute l’originalité de leur musique et qui pointe derrière chaque solo de Brent Hinds.

Si depuis "Crack The Skye", Mastodon n’a de cesse de développer l’aspect mélodique de ses compositions, il en atteint ici l’apogée au fil de ballades doom/sludge déchirantes comme les magnifiques ‘Skeleton Of Splendor’, ‘Dagger’ et ‘Had It All’, véritablement habitées par leurs chanteurs. Le groupe a toujours misé sur sa chance de posséder en son sein trois chanteurs (le batteur Brann Dailor, le bassiste Troy Sanders et le guitariste Brent Hinds) et il parvient ici à une osmose si parfaite entre les trois voix que celle de Markus King, invité sur l’énorme ‘More Than I Could Chew’, passe presque inaperçue.

Mais même si le chagrin domine ce double album renversant, la colère n’est jamais loin et permet au groupe de soigneusement éviter tout pathos. Mastodon reste avant tout un groupe de metal capable d’asséner des riffs dévastateurs (‘The Crux’, ‘Savage Lands’, Peace Of Tranquility’) et de composer des titres dont la composante progressive ajoute à l’admiration que l’on peut porter à sa créativité, comme l’incroyable ‘Gobblers Of Dregs’ qui emprunte autant à Yes qu’à Tool tout en gardant toute la puissance de Mastodon.

Impressionnant de maîtrise, de ferveur et de densité, "Hushed And Grim" est un album monumental qui se classe au sommet de la discographie de Mastodon et tout en haut de la liste des meilleurs albums de l’année. Magistral !

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HUSHED & GRIM

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