Malgré une carrière chaotique, débutée en 1984, faite de courtes périodes d'activité et de longs silences, Massacre n'en demeure pas moins une légende du death metal. Pour "From Beyond" (1991), œuvre culte s'il en est. Pour tous les musiciens qui l'ont animé au fil des années dont plusieurs ont participé à Death, du chanteur Kam Lee au guitariste Rick Rozz sans oublier le cogneur Bill Andrews et le bassiste Terry Butler. Allen West (Obituary) a lui aussi collé son nom à ce groupe aux allures de point de convergence du death metal floridien des origines.
Aujourd'hui, il ne reste plus que l'inoxydable Kam Lee et Mike Borders qui a tenu la quatre-cordes entre 1985 et 1986. Mais pas moins de trois guitaristes les ont rejoints en 2020 pour incarner cette énième résurrection. Plus que celle de Jonny Pettersson (Wombbath), c'est la présence de Scott Fairfax (Benediction, Memoriam) et de Rogga Johansson (Paganizer et tellement d'autres qu'il peut remplir le Bottin à lui tout seul !) qui affole les compteurs de tout bon amateur de metal de la mort qui se respecte. Celui qui l'aime plutôt old school et grumeleux. De toutes façons avec le stakhanoviste suédois et un Dan Swanö derrière la console comme à la belle époque, on se doute que le successeur du mitigé "Black From Beyond" (2014) ne brillera ni par sa modernité ni par son audace. Ce n'est pas ce qu'on demande à Massacre, détenteur d'une identité aussi macabre que brutale et quasi dernier représentant de ce death metal à la floridienne.
Aucune originalité à sucer de ce "Resugence" mais une ambiance sinistre de films de morts-vivants. Les gaillards connaissent le genre sur le bout des doigts aux ongles sales, savoir-faire qui dicte à ce quatrième effort sa charpente solide. Tout y est, des vocalises préhistoriques (Kam Lee est très en forme) aux guitares accordées plus bas que terre. Le groupe sait aussi bien creuser une fente béante d'où s'échappent des remugles pestilentiels ('Book Of The Dead') que briser les cervicales en appuyant sur le thrash le plus implacable ('Fate Of The Elder Gods') que poissent de vagues relents punk ('Servants Of Discord'). Et il s'entend toujours pour suinter des intros sépulcrales qui posent d'emblée un décor horrifique de série B tandis que le combustible lovecraftien inspire aux vétérans les 'Ruins Of R'lyeh', 'The Innsmouth Strain' ou bien encore 'Eldrich Prophecy', alliages cryptiques de riffs morbides et de tempos tour à tour pesants et convulsifs.
Et puis tant pis si l'album, en dépit d'une durée trapue (quarante minutes) finit par tourner un peu en rond car l'essentiel est ailleurs, dans ce death metal à l'ancienne qui procure autant l'envie de sauter partout en défonçant son voisin que de s'aventurer dans les profondeurs de brumeux caveaux. En s'abîmant dans les entrailles de "Resurgence", on a l'impression que le temps s'est arrêté il y a plus de trente ans pour Massacre, incarnation inflexible d'un death metal éternel venu du fond des âges...