Pour la Nasa, 22 For Silicon Alone représente la taille en millimètres de la couche de silicone nécessaire pour une combinaison spatiale afin de protéger le spationaute des poussières cosmiques. C'est aussi ce nom intrigant qu'à choisi Alexis Pfrimmer pour intituler son projet. La métaphore pourrait illustrer cette couche qui protège des a priori la liberté créatrice de l'artiste.
Le maître mot de ce "Only Dark Matters" est expérience sensorielle alliant cinéma et musique. En écoutant cet album, on baigne ici dans une musique qui pourrait enrichir un film de David Lynch ou Stanley Kubrick, dont les méandres scénaristiques et stylistiques épousent l'esprit de 22 for Silicon Alone. Dans cette quête de liberté, Alexis amalgame des touches de metal, de rock, de classique, parfois d'indus et distille dans cette bande originale des titres plus ou moins alambiqués qui se rapprochent de l'esprit de ces réalisateurs.
Cela offre un disque qui n'est pas facile d'approche, pouvant paraître décousu et insaisissable, et dont les cordes constituent le principal fil rouge. Parfois il semble irrespirable comme dans l'oppressif et désespéré 'D'Anges et De Morts' d'une noirceur insondable avec ses dissonances qui transpercent l'échine, parfois il donne le vertige avec le syncopé 'Pont de Lianes' à la rythmique nerveuse. Malgré une apparence un peu brouillonne, l'album demeure un lieu de création qui semble sans borne et imprévisible. Lorsqu'un titre paraît plus accessible comme 'Flagrants Délices', c'est pour mieux le déstructurer afin d'arriver à une section instrumentale autant débridée que fascinante avec ses belles interventions de piano et de violon mêlées.
"Only Dark Matter" est une œuvre claire-obscure qui offre parfois quelques élans relativement lumineux voire pop ('In Every Terms'), aidée par quelques éléments new wave ou électro ('Intra Venus') sans pour autant oublier ce spleen qui se dégage de l'ensemble ('Extra Venus'). C'est un parcours initiatique que nous invite à faire 22 For Silicon Alone grâce à une musique riche de reliefs sur laquelle Alexis pose une voix oscillant entre détachement et profondeur d'interprétation.
"Only Dark Matters" est un album qui rappelle l'élan expérimental des années 70 et qui demande un effort pour s'apprivoiser afin d'en tirer le meilleur, comme il faut affronter sa peur pour arriver à se dépasser (principal thème de l'album), sortir de sa zone de confort pour découvrir d'autres perspectives. Une prise de risque comme on en voit rarement désormais dans l'industrie musicale tant au niveau de l'exigence des compositions que dans le concept. S'il constitue un risque commercial, il reste un disque qui s'affranchit des codes pour mieux affirmer une forte personnalité qui mérite le détour.