Groupe multifacette qui a survécu à l'âge d'or du progressif, King Crimson présente dans "Islands" un son unique qu'il n'avait encore jamais exploré et qu'il ne réutilisera plus par la suite. Disons que le résultat de cette expérience fut si merveilleux que Robert Fripp n'osera plus jamais y toucher...
A cette époque, Fripp était entouré du pianiste virtuose Keith Tippet (membre du groupe jazz Centipede) et de son vieil ami parolier Peter Sinfield, dernier rescapé de sa première formation. Fripp, auteur de l'intégralité des partitions du disque, a cette fois choisi de rassembler autour de lui un orchestre à cordes, pour soutenir son vieux mellotron. Juste des cordes, le reste du groupe assurant la section de cuivres et de bois. Sur ce disque, le laboratoire King Crimson expérimentera le domaine de la musique classique.
La première face du disque en laissera plus d'un perplexe. King Crimson a déjà un pied dans la complexité, parfois fascinante mais souvent indigeste, qui deviendra ensuite sa marque de fabrique. Mystérieusement fascinant, mais pas encore génial.
La seconde face tue. C'est une lumière divine qui rayonne. L'esprit de Fripp, décidément insondable, a produit une élégie indescriptible. C'est d'abord le prélude, 'Sons of the Gulls', qui plante l'ambiance pastorale d'une salle de concert de musique de chambre. Puis vient 'Islands', titre qui s'étend sur une dizaine de minutes, basé sur un crescendo subtil et abstrait. La musique monte, gonfle tout comme l'émotion. Ce n'est pourtant qu'un seul et même accord que répètent le piano, le hautbois et les cordes. Et comme par magie le tout éclate dans un souffle de bonheur.
"Islands" fait partie de ces albums qui ne captivent personne jusqu'à ce qu'arrive LE morceau de génie qui justifie leur existence. Dans ce cas précis, le morceau en question est incontournable. Si un titre transcende ce que peut être la suave passion à laquelle aboutit un acte d'amour, c'est bien "Islands".