Oscil est une formation francilienne qui a franchi le cap de sortir un premier album après un EP ayant servi de laboratoire d'expérimentations. Réaliser un album de nos jours semble être devenu une exception qui pourtant conserve ses partisans, dont Oscil fait indéniablement partie. La pochette magnifique de l'album, ressemblant un peu à un tableau d'Arcimboldo (les fruits et légumes en moins) témoigne de cet amour pour l'objet et son esthétisme. Rien n'est fait au hasard et tout semble bien réfléchi. Cette sorte de trompe-l'œil est autant visuel que musical. Oscil porte ainsi bien son nom : "First Step On My Moon" est un ascenseur à émotions.
'Harlem Shadow' qui ouvre le bal sous des airs de rock alternatif addictif et chaloupé permet de rentrer dans un album plus riche que son ouverture pouvait le laisser croire. Oscil manie l'art de la mélodie qui ne se dévoile pas immédiatement mais qu'il faut aller chercher à force d'écoutes répétées. Les musiciens offrent ainsi dans chaque composition des portes d'entrée permettant de capter l'attention, des prises suffisamment solides pour permettre l'ascension de l'apprivoisement.
Le changement de cap ne se fait pas attendre avec un 'The Pact' recherché où Ingrid dévoile son talent pour un chant caméléon et naturel, à la fois serein et explosif dans le refrain. Les riffs sont légion dans ce rock progressif proche du néo mais qui ne s'enferme pas dans la facilité grâce notamment à une rythmique variée. On se sent proche d'un The Gathering qui n'aurait pas oublié le sens de la mélodie et sa cohérence. Oscil trouve là sa personnalité. Rien ne paraît superflu dans ce titre jusqu'à son final rageur très bien construit. Certains morceaux vont plus loin dans l'utilisation de contrastes faisant exploser la linéarité ('A Shropshire Lad' qui passe de mouvements jazzy à du rock plus nerveux). On retrouve l'influence de Anneke Van Giesbergen dans une composition raffinée aux arrangements subtils et au refrain terriblement efficace ('You') qui apporte une respiration relativement lumineuse à l'album.
Il n'y a pas d'album sans point culminant, et "First Step On My Moon" le trouve dans 'Romance' qui balance d'entrée un riff blues rock qui sort de nulle part. Ingrid confirme sa performance vocale assurée dans sa modulation qui prouve que l'expérience Jirfiya lui a fait prendre conscience de son potentiel. La partie atmosphérique est magnifiée par un solo de sax crimsonien qui confirme l'ancrage d'Oscil dans un rock progressif recherché. S'ensuit un mouvement au piano qui sublime un peu plus la composition puis l'orgue qui finit par enfoncer le clou d'un titre qui multiplie les tiroirs sans en faire trop.
Plus l'album avance dans le temps plus il se densifie rendant les morceaux moins immédiats, évitant ainsi toute lassitude. C'est un risque totalement assumé pour le groupe qui ne choisit pas la solution de facilité. Oscil s'en sort haut la main grâce à des musiciens talentueux et une chanteuse au sommet de son art (les vocalises de 'Enter The Haze'). La guitare de Vincent tire également son épingle du jeu, multipliant les soli bien trouvés s'exprimant avec beaucoup de toucher qui viennent couper des riffs parfois agressifs ('The Heart Of The Woman'). Enfin, la section rythmique impose également le respect par sa variété.
"First Step On My Moon" est un album qui ne manque pas de caractère dans son rock progressif à la fois fragile, débridé et parfois rude. Malgré ce mélange, Oscil ne perd pas son auditeur manifestant une certaine exigence pour l'effort afin de s'imprégner d'une mélodie qui ne se dévoile pas tout de suite, un peu comme Weend'ô. "First Step On My Moon" est un disque riche dont on aura du mal à se lasser. Premier essai et quasi-coup de maître !