Les Québécois chantent en français sans accent. Voilà bien une idée reçue qui ne sied qu'aux chanteuses pop et qu'en leurs temps, Robert Charlebois, Félix Leclerc et, plus encore, dans l'univers prog, Serge Fiori (Harmonium) ont fini de démonter. Dans un tout autre registre, Thrash La Reine, jeune groupe de heavy metal originaire de Montréal continue de déconstruire la légende urbaine sur son nouvel album "Notre-Dame de l'Enfer" paru cet automne.
N'allez pas vous laisser embobiner par leur nom car à part quelques titres au tempo enlevé ('Les Trois Diables', 'Opération Neptune'), point de thrash cette fois chez nos cousins d'outre-Atlantique mais un heavy metal bien plus traditionnel, contrairement à leur EP sorti en 2019 "La Foi, La Loi, La Croix" (à écouter également car très réussi). Au menu aujourd'hui, du heavy metal, dans sa plus simple expression, du rock, certes musclé, mais intrinsèquement authentique. Les riffs acérés sont léchés et bâtis sur des sonorités distordues rappelant la scène française des années 80 des Sortilège, Vulcain et autres Titan ou H-bomb. Ajouter à cela un chant en français - oui Madame, et avec des phrases, des rimes et aucune faute de grammaire - et vous comprenez vite quel public ce "N.D de l'Enfer" devrait rencontrer.
Avec un tel titre en revanche, personne ne sera trompé sur la marchandise. Thrash la Reine surfe sur ce concept autour de titres comme 'Le Rigodon de l'Enfer', 'Les Trois Diables' ou 'La Cage de Fer' racontant le calvaire d'une sorcière victime de la chasse dans le nord-est du continent américain. Le propos oscille entre ambiances médiévales ('L'Étranger' et 'Wendigo') et rock potache à la 'Viens Donc Faire un Tour à Lambé' de Matmatah avec 'La Chasse Galerie' et surtout 'Au Chant de l'Alouette', ritournelle interprétée par Les Karrik en 1972 et entrée dans le folklore québécois depuis.
L'album est également rythmé par de petits interludes acoustiques très intéressants, à l'image de 'Une Heure Avant l'Aube', solo de guitare aérien signé Renaud Baril. La fin de l'album propose deux titres plus calmes, à part le final du second, que sont 'Le Fantôme de l'Avare', mid tempo lancinant à la narration théâtrale prononcée et 'Légende d'Antan' titre de plus de sept minutes à la construction progressive et aux sonorités médiévales.
"Notre-Dame de l'Enfer" sonne quelque peu désuet au regard du son épuré du trio et de la façon très personnelle de Renaud Baril de narrer ses histoires. Mais cet aspect est particulièrement attachant car la personnalité du trio est très affirmée. La bande à Baril respire l'authenticité et sa musique exerce une emprise presque mystique sur l'auditeur. L'album en tire tout le bénéfice avec des riffs accrocheurs et des mélodies entêtantes bien que parfois simplistes, mais dans un esprit traditionnel clairement intentionnel. Les amateurs de metal français et des groupes cités plus haut y trouveront leur plaisir, tout comme nous.