La carrière de LP ou Laura Pergolizzi ne s'est pas faite du jour au lendemain. Si 'Lost On You' a été l'un des tubes de l'année 2016 (issu de l'EP "Death Valley"), c'était peut-être à l'époque la chanson de la dernière chance pour la chanteuse connue avant tout pour être plutôt dans l'ombre en tant qu'auteure. En effet, après deux albums sortis en 2001 et 2004 qui n'ont pas réellement trouvé leur public, l'artiste a perdu confiance en ses chances de percer en tant que chanteuse, la faute aussi à des producteurs qui n'ont pas su lui apporter cette confiance. Sans aller jusqu'à arrêter la musique, LP s'est mise au travail pour offrir à d'autres des tubes (Backstreet Boys, Rihanna, Joe Walsh, Cher...). Mais exister à travers d'autres n'était sans doute pas la panacée pour la guérir de ses doutes voire de son mal-être.
Puis en 2016 vient cette chanson cathartique jusque dans la moindre note et parole, composée suite à une rupture amoureuse, grâce à laquelle LP, en tant qu'interprète, a enfin rencontré son public. Cet éclat de lumière n'a pas varié depuis, la conduisant notamment à collaborer avec Mylène Farmer ('N'oublie Pas' en duo). "Churches" est donc le sixième album de LP en 20 ans (dont quatre au cours de ces huit dernières années, c'est dire la confiance retrouvée !). L'artiste qui se considère comme un marin au long cours se met une nouvelle fois à nu (ou presque sur la pochette) dans ce nouvel album.
Ce nouveau disque opère un virage un peu optimiste qui tranche avec le contexte dans lequel il sort. Non pas qu'il soit foncièrement enjoué, mais son écoute d'une traite procure à terme une certaine satisfaction intérieure. D''emblée LP nous accueille sur le perron d'une église avec 'When We Touch' aux chœurs célestes et vaporeux qui accompagnent la voix posée de la chanteuse jusqu'au refrain lumineux mixé plus fort. 'Goodbye' possède quant à lui tous les atours d'un tube pop moderne avec sa mélodie électro légère et festive qui démontre que LP sait vivre avec son temps. Mais sans sombrer dans la solution de facilité, l'artiste conserve une saveur folk qui réchauffe les atmosphères par son aspect plus organique. 'Rainbow' ainsi rappelle ses premiers amours pour la guitare acoustique dépouillée d'artifices hormis quelques effets de voix accentués qui n'apportent que peu à la chanson. Ces défauts seront gommés dans l'intimiste 'Churches' réduit à son plus simple appareil guitare-voix.
La vie de LP semble aujourd'hui plus apaisée, ce qui transparait dans cet album aux ambiances plus légères et posées. La voix demeure haut perchée avec parfois des fragilités qui témoignent du vécu d'une musicienne qui a su se sortir d'épreuves personnelles et professionnelles ('Angels'), dont la musique semble servir d'exutoire. Elle possède un timbre enfantin et tout à fait singulier ne pouvant laisser indifférent, qui peut autant séduire que déplaire. Elle fait de ces imperfections une force et si l'album n'est pas exempt de défauts à force de trop vouloir moderniser certains morceaux pour coller à l'époque actuelle par le biais d'effets superflus, il n'en reste pas moins gorgé de mélodies attachantes et sincères.
"Churches" de LP est un album pop bien dans l'air du temps, conservant un brin d'authenticité quelque peu vintage sans fard sur certains titres. Si il manque un morceau aussi marquant que 'Lost In You' et se montre trop généreux malgré son twist final ('Poem'), il n'en demeure pas moins une nouvelle pierre à l'édifice chatoyant d'une chanteuse américaine au grand talent de composition dans le sillage de Sia.