La musique exclusivement instrumentale est un exercice délicat. Il s’agit d’arriver à captiver l’auditeur sans les repères habituels (couplets, refrains, ponts…), en laissant libre cours à son imagination et surtout, en faisant fi des barrières ou des conventions inhérentes au style. En ce sens, Force Of Progress est très près d’un Liquid Tension Experiment ou d’un Dream Theater, tant sur le fond que sur la forme. Les passages techniques y sont légion et donnent aux musiciens l’occasion de briller derrière leur instrument, aussi bien en termes de dextérité qu’en termes de propreté (‘Ultra Conservation’, ‘Viral Signs II – Incident 3030’). Certains sons de synthé notamment rappellent fortement ceux utilisés par le trio américain, et nous sentons une grande inspiration du côté de Jordan Rudess. On jurerait même l’entendre jouer par moment ! (‘Redesign’).

Au-delà des signatures rythmiques complexes et autres mesures asymétriques, le groupe se plaît à varier les ambiances, comme en témoignent le pont plus atmosphérique sur ‘Redesign’, l’accalmie au clavier sur ‘Lady Lake’ ou encore les arpèges de ‘Viral Signs II – Incident 3030’. La complexité est bien au rendez-vous, elle est quasiment omniprésente même, mais le trio allemand parvient malgré tout à proposer également quelques passages plus accrocheurs, à l’instar du riff de ‘Next’ et de ses mélodies de clavier bien senties.

"Redesign" n’en reste pas moins un disque relativement hermétique et à ne pas mettre entre toutes les mains. Il est vrai qu’en rock et en metal progressif, le chant a notamment l’avantage de donner un certain cadre aux compositions, de renforcer le fossé entre les passages techniques délirants et complexes et les passages plus structurés sur lesquels les instruments se mettent plus en retrait pour permettre à la voix de s’exprimer. En ayant fait le choix de se dispenser d’un chanteur, le trio allemand n’a donc pas fait celui de la facilité, et l’expérience peut parfois s’avérer rude, notamment sur le très complexe ‘Viral Signs II – Incident 3030’ et ses seize minutes au compteur, durant lequel il est difficile de rester captivé tout du long.